24.04.08 - TPIR/TRANSFERTS - DEBAT AU TPIR SUR LA POSSIBILITE DE RENVOYER UN ACCUSE AU RWANDA

 Arusha, 24 avril 2008 (FH) - Un débat crucial sur la possibilité de transférer vers la justice rwandaise des accusés du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) s'est tenu jeudi, le procureur et la défense de l'ancien homme d'affaires Yussuf Munyakazi, 73 ans, plaidant oralement les soumissions écrites déjà déposées devant la chambre.

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Quatre « amis de la cour » (amicus curiae) de la cour, le gouvernement rwandais, le barreau de Kigali, l'Association internationale des avocats de la défense (AIAD) et Human rights watch (HRW) ont été également entendus.

Présent en personne pour cette audience historique, le procureur en chef du TPIR, Hassan Bubacar Jallow, a cité en exemple un jugement de la cour d'appel de Chambéry (France) qui autorise l'extradition de M. Claver Kamana, un rwandais accusé d'avoir pris part au génocide de 1994 au Rwanda. Le magistrat gambien a mis en exergue « l'importance de ce jugement de la cour française rendu après avoir évalué et analysé le cadre juridique du Rwanda », estimant que la procédure d'extradition de Kamana ressemble à celle visant au transfert de Munyakazi.

Dans sa plaidoirie, M. Jallow a répété à plusieurs reprises que « le Rwanda a un système juridique qui garantit un procès équitable », reconnaissant néanmoins qu' « il n'existe aucun système juridique parfait au monde ».

Pour sa part, le conseil principal de la défense, M. Jwani Mwaikusa, tout en reconnaissant l'excellences des lois rwandaises, a affirmé qu'il y a un fossé entre les textes et la réalité sur le terrain. « Dans nos pays africains, nous avons généralement des lois excellentes, mais quand vous regardez la pratique, ça peut être extrêmement horrible », a assené le juriste tanzanien, mettant le procureur au défi de prouver en quoi le Rwanda est différent des autres pays africains.

L'avocat s'est par ailleurs appuyé sur les crimes attribués à des membres du Front patriotique rwandais (FPR) qui contrôle l'actuel régime de Kigali et qui ne font pas encore l'objet de poursuites.

« Le Rwanda n'est pas indiqué pour recevoir des affaires de ce tribunal », a-t-il conclu, estimant que le TPIR pourrait juger l'affaire Munyakazi, d'ici à la fin de l'année, date fixée par le Conseil de sécurité pour la fin des procès en première instance.

Pour respecter ce délai, le TPIR est obligé de renvoyer certaines affaires devant des juridictions nationales.

Dans son intervention en tant qu'amie de la Cour, l'organisation Human Rights (HRW), par la voie de sa conseillère juridique principale, Aisling Reidy, a appuyé la défense et fait état de pratiques « d'intimidation, de harcèlement » de témoins, de juges et d'avocats au Rwanda.

Pour sa part, le Procureur général du Rwanda, Martin Ngoga a souligné que le Rwanda a, de sa propre initiative, sans aucune pression, modernisé ses lois et qu'il l'a fait dans le but de les respecter. « Le plus important à considérer, ce sont les politiques (officielles) et non des incidents », a dit Ngoga, également ancien représentant du gouvernement rwandais auprès du TPIR.

Le barreau de Kigali a également appuyé la requête du procureur tandis que l'Association internationale des avocats de la défense (AIAD) s'est jointe à l'avocat de Munyakazi.

Quatre autres demandes de transfert vers la justice rwandaise sont pendantes devant des chambres du TPIR.

ER/PB/GF

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