La chambre de première instance III du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), présidée par le juge Dennis Byron, a ordonné au greffe de nommer « un amicus curiae » ( ami de la cour) indépendant pour enquêter sur les allégations de faux de témoignage portées contre lui.
C'est la même procédure qui avait été suivie dans le cas de « GAA », le premier témoin condamné pour outrage au TPIR. En décembre dernier, GAA avait écopé de neuf mois de prison.
A l'instar de GAA, le témoin présent a d'abord été cité par la poursuite, puis il s'est rétracté en faveur de la défense. L'un et l'autre ont allégué des pressions avant leur premier témoignage. Intrigués, les juges ont ordonné une enquête.
Le cas de BTH surnommé également GFA est plus retentissant car il a comparu dans plusieurs affaires. Il a affirmé qu'il avait déposé contre les accusés en échange d'une promesse de libération. Il était détenu au Rwanda en rapport avec le génocide de 1994.
Une fois sorti de prison, le témoin s'est réfugié dans un pays voisin et il a décidé de tout avouer. Il a, une nouvelle fois, comparu, à la demande de la défense, dans le procès de trois ex-politiciens et il s'apprêtait à faire de même dans celui de quatre ex-ministres.
Les raisons de son départ impromptu restent obscures. Le porte-parole du TPIR a indiqué que sa disparition avait « une motivation pécuniaire» il aurait pu également avoir été impressionné par le risque rappelé par la chambre en sa présence, d'être mis en accusation pour ce faux témoignage.
Selon lui, dans une des lettres retrouvées sur le lit du témoin, il demandait au greffe du TPIR, au titre d'avance sur ses indemnités journalières, de verser 400 dollars à des membres de sa famille.
Dans une seconde lettre, il menaçait de ne pas revenir dans sa "maison sécurisée" tant que l'argent n'aura pas été versé, selon le porte-parole qui a ajouté que le témoin avait pris contact avec sa famille pour savoir si ces versements avaient été effectués.
La police tanzanienne continue les recherches.
Cette mystérieuse disparition a secoué le tribunal où les allégations de faux témoignages se sont multipliées ces derniers mois.
Depuis le début des procès en 1997, plus de 2.000 témoins ont été entendus. La plupart étaient logés dans des maisons sécurisées mais c'est la première fois que le tribunal connaît ce type d'incident.
Cette saga mise à part, les procès se sont poursuivis dans diverses chambres de première instance. Les affaires inscrites au rôle au cours de la semaine étaient Karemera et autres, Gouvernement II, Kalimanzira et Butare.
Le procès Karemera et autres concerne trois anciens responsables du parti présidentiel rwandais accusés de génocide. Ils plaident non coupable. Commencé en septembre 2005, il est actuellement au stade de la présentation des témoins à décharge. C'est le premier accusé, Edouard Karemera, ancien vice président du parti, qui fait comparaître des témoins. Il vient d'en citer neuf, sur les soixante cinq annoncés.
L'un des témoins entendus au cours de la semaine est Jean-Paul Akayesu, premier condamné du TPIR qui purge sa peine d'emprisonnement à vie au Mali. Jean-Paul Akayesu a notamment nié l'existence d'une entreprise criminelle à laquelle les accusés dans ce procès l'auraient associé. «Cela n'était pas possible » a souligné Akayesu. "Ils avaient leur ligne, nous avions la nôtre », a-t-il expliqué. Akayesu était membre d'un parti d'opposition.
Karemera est jugé avec Mathieu Ngirumpatse et Joseph Nzirorera, respectivement président et secrétaire général du parti présidentiel.
Jeudi, ce procès a été temporairement suspendu jusqu'au 30 juin. Dans l'intervalle, les juges vont s'occuper du procès Callixte Kalimanzira, un ancien haut fonctionnaire accusé de génocide. Les deux procès s'étaient jusqu'ici déroulés en alternance. Kalimanzira comparaît depuis le 5 mai. Jusqu'ici Six témoins ont comparu pour l'accusation. Ils seront contre interrogés la semaine prochaine.
Dans Gouvernement II, la chambre entend des témoins à décharge. C'est le tour du quatrième et dernier accusé, l'ancien ministre de la fonction publique, Prosper Mugiraneza. Cette semaine, il a été notamment défendu par l'épouse d'un acquitté, Mme Léoncie Bongwa, épouse de l'ex-ministre des transports André Ntagerura.
Mugiraneza comparaît avec les anciens ministres des affaires étrangères, Jérôme Bicamumpaka, de la santé Casimir Bizimungu et du commerce, Justin Mugenzi. Accusés de génocide et de crimes contre l'humanité, tous les quatre plaident non coupable.
La dernière affaire au rôle de la semaine, Butare, est la plus vieille de celles qui sont en cours au TPIR. Elle a commencé en juin 2001. Six accusés sont concernés. C'est l'avant dernier qui présente sa preuve.
Dans une interview à l'agence Hirondelle, le président du TPIR, Dennis Byron, a déclaré que Karemera et Butare déborderont du mandat de la juridiction qui s'achève à la fin de l'année.
AT/PB
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