16.07.08 - TPIR/NSENGIMANA .- LE PROCES DE L'ABBE NSENGIMANA S'EST DEPLACE AU RWANDA (REPORTAGE)

Kigali, 16 juillet 2008 (FH) - « Monsieur Wallace, Maître Altit, quel est l'intérêt de cette étape ? » Cette question sera posée plus d'une dizaine de fois par le juge Erik Mose lors du déplacement de la chambre, mardi à Nyanza (sud du Rwanda), pour une visite des lieux des faits allégués dans le procès de l'abbé Hormisdas Nsengimana, poursuivi pour génocide devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

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Ce transport sur les lieux a été effectué à la demande de la défense conduite par le Français Emmanuel Altit, et de la poursuite conduite par le Jamaïcain Brian Wallace.

La visite s'ouvre par une brève intrusion dans l'église paroissiale de Nyanza où une femme entre deux âges, son rosaire en mains, prie, agenouillée. A l'arrière de l'église se trouve la tombe dans laquelle ont été enterrés, après le génocide, les abbés Jean Bosco Yirirwahandi, Mathieu Ngirumpatse, Innocent Nyangezi et Callixte Uwitonze. Selon l'acte d'accusation, l'abbé Ngirumpatse a été tué en avril 1994 par Nsengimana en personne, tandis que les deux autres ont été fusillés en mai par des militaires envoyés par l'accusé.

Le juge Mose et ses confrères de la chambre, Serguei Egorov et Florence Ritta Arrey, ne sont pas venus d'Arusha pour entendre de nouveaux témoignages sur les circonstances de ces meurtres, mais seulement voir de leurs propres yeux les lieux des faits allégués en vue de mieux évaluer les dépositions des témoins de l'accusation et de la défense.

Après l'église paroissiale, les juges, qui ont troqué leur robe contre une tenue plus ordinaire, sont conduits par Brian Wallace à l'endroit, où selon l'accusation, l'abbé Nsengimana aurait livré à une bande de tueurs le juge tutsi Jean Furaha, une des victimes du génocide dans la région de Nyanza. « Ici se trouvait le barrage routier auquel l'abbé Nsengimana a livré le juge Jean », explique Wallace. « Selon les témoins de la défense, il n'y avait pas de barrage ici », réplique Me Altit.

Selon des témoins à charge, le juge Jean était venu demander à Nsengimana, qui était alors directeur du Collège Christ Roi de Nyanza, de le cacher dans les locaux de l'école. Mais, poursuit l'accusation, le prêtre l'a éconduit pour le livrer à ses meurtriers. Pour les témoins de la défense qui nient l'existence de ce barrage, l'accusé a raccompagné cordialement le juge qui a été tué un peu plus loin par un gendarme.

A moins d'un demi-kilomètre de la concession de l'église, les juges et les parties entrent au prestigieux collège de Nyanza où le directeur Nsengimana enseignait le latin ainsi que la religion et disait la messe tous les jours. Même à l'intérieur de l'école, en face de l'ancien bureau de Nsengimana, il est question de barrage routier.

Selon l'accusation, ce barrage avait pour but de barrer l'accès du collège aux Tutsis des environs qui tentaient d'y chercher refuge. « Selon nos témoins, il n' y a jamais eu de barrage routier à ce niveau », déclare Me Altit alors que certains, parmi les acteurs présents discutent, distraits, d'autre chose. « Je m'excuse de jouer le policier », intervient le juge Mose, une façon de rappeler que même un transport sur les lieux est régi par la police d'audience.

Après le collège, les « visiteurs judiciaires » déjeunent dans les sept véhicules des Nations Unies affectés à ce transport sur les lieux, dont la préparation a nécessité trois jours de descente du service de sécurité du TPIR.

L'après-midi de cette journée détendue sera consacrée à trois étapes, la dernière étant l'actuel quartier général de la police locale où juges et parties prendront plaisir à poser devant les caméras d'une chaîne de télévision norvégienne.

La suite se jouera à Arusha, siège du TPIR. Ce procès a débuté le 22 juin 2007, les débats sont presque terminés, deux journées d'audience sont encore prévues les 15 et 16 septembre. Les plaidoiries auront lieu avant la fin de l'année. Jugement en 2009.

ER/PB/GF

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