23.07.08 - BURUNDI/JUSTICE - L'ONU RECLAME CREDIBILITE ET TRANSPARENCE

Bujumbura, 23 juillet 2008 (FH) - M. Ismail Diallo, qui représentait au Burundi le Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme, a dans une interview à l'agence Hirondelle mis en garde avant son départ contre les consultations nationales déguisées.

2 min 58Temps de lecture approximatif

Question : Vous laissez derrière vous un grand chantier de la justice transitionnelle au Burundi, des consultations nationales vont bientôt démarrer, êtes-vous optimiste ?

ID : Elles vont démarrer quand ? Je faisais partie du comité de pilotage tripartite, mais ce n'est plus le cas, il est à reconstruire d'ailleurs. Les deux personnes désignées par les Nations Unies sont en train de partir. Des nouveaux viendront, je souhaite que ce comité soit reconstitué le plus rapidement possible et que les consultations nationales se tiennent. Mais, il faudra que l'on s'assure que les consultations nationales qui ont été décidées de commun accord par le Gouvernement et les Nations Unies se déroulent dans la crédibilité et dans la transparence. Il ne faudrait pas que ce soit un référendum déguisé par lequel il sera demandé à la population ou à des représentants de la population si celle-ci veut ou non la mise en œuvre des mécanismes de la justice transitionnelle, à savoir la CVR et le Tribunal Spécial, il ne s'agit pas de cela. Les mécanismes de la justice de transition ont été voulus par Arusha, par le Gouvernement et ont été décidés par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il s'agit donc d'expliquer à la population ce que serait la CVR et le Tribunal Spécial. Soyons méthodique, respectons le peuple, respectons les individus, respectons l'histoire. Allons-y à la vérité, passons à la justice et aboutissons à la réconciliation.

Question : On dit en anglais « To delay the justice is to deny the justice » (retarder la justice, c'est nier la justice). Etes vous d'accord ?

ID : C'est vrai, c'est nier la justice. D'autres vous diront que c'est faux en disant que, qui veut la paix prépare la guerre. Mais en ce qui me concerne, je partage l'avis que les personnes qui estiment que la vérité et la justice ne sont pas utiles, sont celles qui pensent qu'elles sont susceptibles de ne pas pouvoir supporter la vérité et de faire face à la justice. Ces personnes, il faut les comprendre qu'elles ne veuillent ni la vérité ni la justice. Si de telles personnes ont le pouvoir d'imposer leurs vues, l'histoire jugera, (...) l'impunité ne peut perdurer nulle part et ne rend service à personne, même pas à soi. Je trouve tellement vain et prétentieux de croire qu'on commande à tout, car le maître de tout est le temps. On peut vouloir rallonger sa vie, mais on ne peut vivre éternellement ; on peut être puissant, il y a plus fort et plus puissant que soi. Alors, la sagesse voudrait que l'on accepte la vérité et la justice. Mais la vérité et la justice elle-même n'ont de raisons d'être que pour penser les plaies, que pour aller vers la réconciliation. Ce n'est pas simplement pour punir mais pour réparer.

Question : Le Gouvernement et les Nations Unies vont ils s'entendre sur la relation entre la CVR et le Tribunal Spécial ?

ID : Le Tribunal Spécial et le Procureur utiliseront le rapport de la CVR mais celui-ci ne sera pas leur unique instrument de travail. Le Procureur dispose de l'indépendance de rechercher les informations ou de faire les enquêtes ou bon lui semble, auprès de qui il voudra. Les discussions ont achoppé sur cette question ; la question est toujours en examen entre les Nations Unies et le Gouvernement. Mais c'est là aussi où la société civile Burundaise, même si elle est assez active, n'est pas nécessairement pro-active. Il faut tenir le débat et dire au Gouvernement et aux Nations Unies, écoutez, cela, selon nous, doit être ainsi. Le Procureur ne peut travailler uniquement sur base du rapport de la CVR, cela va de soi. Si c'est le cas, ce n'est pas la peine d'avoir un Tribunal Spécial.

EM/PB

© Agence Hirondelle