29.08.08 - RWANDA/HRW - HUMAN RIGHTS WATCH SEVERE AVEC LA JUSTICE RWANDAISE

Arussa, 29 aout 2008 (FH) - Human Rights Watch (HRW), dans un rapport publié en juillet et intitulé « la loi et la réalité : les réformes du système judiciaire rwandais», est sévère sur le système judiciaire de ce pays où un génocide s'est produit en 1994.

4 min 38Temps de lecture approximatif

«Le pouvoir judiciaire reste subordonné à l'exécutif et même à une élite d'acteurs officieux qui jouissent d'un pouvoir économique et de politique partisane» écrit HRW après une étude effectuée au cours des trois dernières années sur l'efficacité des lois adoptées.

Reprenant les améliorations apportées au cours des cinq dernières années au système judiciaire, l'ONG rappelle le lancement des tribunaux juridictions Gacaca qui ont jugé un nombre considérable de dossiers de génocide. Elle évoque également la réforme profonde de la justice conventionnelle destinée à moderniser le pouvoir judiciaire.

Du point de vue législatif, certains des droits des accusés ont été renforcés en 2007, comme par exemple le droit d'être assisté par un avocat à tous les stades de la procédure judiciaire y compris pendant les premiers interrogatoires. Surtout, la peine de mort a été abolie. Mais HRW tempère son enthousiasme sur ce point en déplorant que cette peine maximum ait été remplacée par la réclusion à perpétuité en isolement carcéral. Elle demande aux organes législatifs rwandais de la supprimer.

Néanmoins, « les progrès dans l'administration de la justice durant les cinq dernières années » n'ont pas leur équivalent « en matière d'indépendance du système judiciaire et de garanties de droit à un procès équitable », affirme-t-elle.

Même si « la plupart des juristes [interviewés par HRW] estiment que les réformes ont amélioré l'efficacité et la performance générale des tribunaux », les garanties d'avoir accès à un procès équitable restent selon eux insuffisantes et le risque d'influence du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire est dénoncé.

Au long de neuf chapitres d'analyse sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, HRW développe notamment « l'abus de pouvoir du ministère public » et « l'ingérence dans des affaires judiciaires » qu'elles soient politiques « pour sanctionner ou limiter les activités de personnes considérées comme opposées au gouvernement et au FPR », ou de génocide.

Ainsi, un juge interviewé en août 2007 déplore que ceux qui tentent de protéger l'indépendance et l'intégrité du pouvoir judiciaire «ont un prix à payer ». Il en a coûté des postes dans le système judiciaire explique, ce même juge. Trois d'entre eux ont même « fui le Rwanda et ont trouvé refuge à l'étranger ».

Et puis les ordres des tribunaux ne sont pas toujours respectés, explique HRW. « Il semblerait que la police a encore plus de pouvoir que les juges » raconte un employé de tribunal après qu'un accusé ait « été immédiatement menotté alors qu'il quittait la salle du tribunal, et ait ramené en prison » bien que les juges aient ordonné sa libération.

Quant aux normes relatives au procès équitable, l'ONG estime qu'elles « ne sont pas pleinement assurées ». La présomption d'innocence, le droit de citer des témoins à comparaître, le droit à un avocat, le droit à des conditions de détention humaines et à ne pas être soumis à la torture, le droit à ne pas être jugé deux fois pour la même infraction et enfin la surveillance des procès sont tout autant de garanties identifiées par l'ONG comme étant lacunaires.

La protection des témoins selon HRW ne dépend pas seulement de la capacité de l'Etat à garantir leur sécurité mais également de sa volonté de le faire, notamment quand il s'agit de témoins à décharge. Sur les 15 avocats, juges et procureurs interviewés, un seul connaissait la disposition selon laquelle en matière de preuve, il était possible de prendre toute mesure nécessaire pour protéger les témoins dont l'accusation a besoin.

Quant au service de protection des témoins créé en 2005, il « dépend du bureau du procureur de la république rwandaise, ce qui rend peut probable que les témoins de la défense qui rencontrent des problèmes cherchent son assistance ».

« La façon dont la justice est rendue au Rwanda est une question d'une grande importance politique » estime Human Rights Watch. Elle encourage par ses nombreuses recommandations le gouvernement rwandais, le pouvoir législatif, chacun des acteurs du système judiciaire et les bailleurs de fonds à l'action.

L'ONG avait déjà soulevé quelques uns de ces éléments en avril devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) quand elle avait témoigné en tant qu'amicus curiae (amis de la cour) sur une requête de transfert d'accusé vers le Rwanda.

Ces arguments, également soutenus, pour certains, par d'autres amis de la cour, ont pesé dans la balance lors de la prise de décisions des juges de première instance. Sur les cinq demandes, les trois premières ont été rejetées.

Les juges ont estimé que le Rwanda ne présentait pas suffisamment de garanties d'indépendance de ses juges et refusaient que les accusés risquent, s'ils sont condamnés, d'être emprisonnés à perpétuité en isolement carcéral. Ils craignaient enfin que les accusés ne bénéficient pas d'un procès équitable en raison des difficultés présumées, liées à la présentation des témoins à décharge.

Deux de ces trois refus sont en ce moment étudiés par la Chambre d'appel du TPIR, et deux décisions doivent encore être prises en première instance. Human Rights Watch affirme aujourd'hui que le Rwanda n'est toujours pas prêt à recevoir des transferts ni des extraditions.

AV/PB/GF

© Agence Hirondelle