Jugement Bemba: un "énorme pas" vers la fin des viols comme arme de guerre (ONG)

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Des ONG ont salué mardi le jugement "historique" contre l'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, jugé responsable des crimes commis par sa milice en Centrafrique, assurant que cette décision était un "énorme pas" vers la fin des viols en tant qu'arme de guerre.

"L'attention portée dans cette affaire sur l'utilisation du viol pour terroriser les civils est un énorme pas vers l'élimination des crimes sexuels", assure notamment la vice-présidente de la Coalition d'ONG pour la CPI, Jelena Pia-Comella.

Jean-Pierre Bemba, 53 ans, a été reconnu lundi coupable par la CPI, en tant que chef militaire, de cinq crimes contre l'humanité et crimes de guerre pour la vague de meurtres et de viols commis par sa milice en Centrafrique en 2002-2003.

Pour l'ONG britannique de défense des droits de l'Homme Redress, ce jugement "met en lumière les effets dévastateurs que les violences sexuelles en période de guerre ont sur les victimes, sur leurs familles et sur leurs communautés".

Pour Amnesty International, le jugement adresse un message clair: "l'impunité pour violences sexuelles en tant qu'arme de guerre ne sera pas tolérée".

Le viol dans les conflits armés "est l'une des injustices les plus négligées, les plus graves et les plus incessantes", avait affirmé en 2014 une rencontre mondiale sur le sujet, organisée notamment par l'actrice américaine Angelina Jolie.

Pour les militants, dans beaucoup de zones de conflits, il est désormais plus dangereux d'être une femme qu'un soldat.

"C'est choquant que cette condamnation soit la première de ce genre" à la CPI, a assuré Mme Jolie dans un communiqué, après le jugement. "C'est aussi un rappel que pour nombre de victimes, la justice n'a jamais été rendue", a-t-elle ajouté.

Mais tout en saluant ce "tournant historique", les ONG ont critiqué la lenteur de la justice concernant les violences de crimes sexuels.

- 4 viols toutes les 5 minutes -

Selon Amnesty, plus de 400.000 jeunes filles et femmes ont été violées pendant le conflit au Congo en 2006-2007, soit "quatre (viols) toutes les cinq minutes".

Mme Jolie a également appelé la communauté internationale à "bâtir sur la jurisprudence importante" créée par le jugement pour "détruire l'impunité pour l'utilisation de viol en tant qu'arme de guerre".

Le jugement a également été une victoire pour la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, qui avait fait du combat contre les viols en tant qu'armes de guerre l'une de ses priorités.

Quelque 1.500 hommes en armes de l'ancien chef rebelle s'étaient rendus en Centrafrique en octobre 2002 pour soutenir le président Ange-Félix Patassé, victime d'une tentative de coup d'Etat menée par le général François Bozizé.

Là, ils ont violé, pillé et tué, ont assuré les juges de la CPI, égrenant une longue liste de viols, souvent accompagnés d'autres violences, commis par les troupes de Jean-Pierre Bemba.

Les crimes, qui visaient les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes, étaient considérés comme "une compensation pour les soldes et rations insuffisantes et/ou pour déstabiliser, humilier ou punir ceux suspectés d'être rebelles", avaient expliqué les juges.

Pour le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, le jugement montre "que l'impunité ne sera plus tolérée".

Les Etats-Unis, qui ne sont pas partie au Statut de Rome portant création de la CPI, ont toutefois salué par la un communiqué du département d'Etat la décision de la Cour comme une "mesure importante de justice". "Les responsables de crimes aussi haineux doivent rendre des comptes", a réclamé le porte-parole de la diplomatie américaine John Kirby.

Plus de 5.200 personnes ont été autorisées à participer à la procédure, ce qui ouvre la voie à des dommages et intérêts, qui doivent être décidés par les juges de la CPI à une date ultérieure.

Certaines des femmes violées par les soldats de Jean-Pierre Bemba ont été contaminées par le virus du sida, assure Redress. "D'autres ont été rejetées par leurs familles, ostracisées par leur communauté, abandonnées à elles-mêmes, sans accès aux médicaments, sans soutien psychologique ou économique".