Journaliste emprisonné en Erythrée: la Suède classe sans suite une plainte contre le régime

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La Suède n'ouvrira pas d'enquête après la plainte déposée par Reporters sans frontières (RSF) contre les principaux dirigeants érythréens concernant l'emprisonnement depuis près de 20 ans du journaliste Dawit Isaak, jugeant les chances de succès trop faibles, a annoncé mardi le parquet.

"Sur la base de ce qui a été présenté, j'ai des raisons de croire que des crimes ont été commis et sont toujours en cours", a affirmé à l'AFP la procureure en charge du dossier, Karolina Wieslander.

Mais "en pratique, il n'y a aucune perspective qu'une telle enquête (...) en arrive au point où je pourrais porter des accusations contre une ou plusieurs personnes", a-t-elle fait valoir.

La raison principale de cette décision repose sur le caractère hautement improbable d'une coopération à l'enquête de l'Erythrée, au regard du rang politique des dirigeants du régime d'Afrique de l'Est visés par la plainte de RSF, a estimé la procureure.

Cette plainte avait été déposée en octobre auprès de la police du royaume par la branche suédoise de RSF, ainsi que par le frère de Dawit Isaak. Elle vise le président érythréen Isaias Afwerki, son ministre des Affaires étrangères Osman Saleh Mohammed et six autres responsables pour "crimes contre l'humanité, disparition forcée, torture et enlèvement".

RSF a qualifié la décision de "scandaleuse", jugeant le raisonnement du parquet "étrange". "Êtes-vous censé vous abstenir d'enquêter sur des crimes où les suspects ne coopèrent pas ?", a déploré Björn Tunbäck, chargé de l'affaire Isaak au sein de RSF Suède, dans un communiqué.

Le journaliste Dawit Isaak a été arrêté en septembre 2001 après la publication dans le journal qu'il avait créé en Erythrée d'articles réclamant des réformes dans son pays. Il n'a jamais été jugé.

Il s'était réfugié en Suède en 1987 au moment de la guerre avec l'Éthiopie, à l'origine de l'indépendance en 1993 de l'Érythrée.

Dawit Isaak, qui a la double nationalité suédo-érythréenne, y était retourné en 2001. Le pays est classé par RSF parmi les trois pays les plus répressifs à l'égard de la presse et les journalistes, derrière la Corée du Nord et le Turkménistan.

Plusieurs plaintes similaires avaient déjà été déposées en Suède notamment en 2014, année de l'adoption dans ce pays d'une législation permettant de saisir la justice suédoise pour ce type de crimes. A l'époque, le parquet suédois avait estimé que donner suite à une plainte, même fondée, contre le régime érythréen risquait "de réduire la possibilité que Dawit Isaak soit libéré".