Iyad Ag Ghaly: ex-chef rebelle devenu leader du JNIM au Sahel

Ex-rebelle touareg et ancien diplomate malien, Iyad Ag Ghaly est aujourd'hui le chef de la branche sahélienne d'Al Qaïda, le JNIM, artisan de son expansion du Sahel jusque dans les pays du Golfe.

Il est l'homme le plus recherché au Sahel, sous sanctions de l'ONU, inscrit sur la liste des "terroristes" des Etats-Unis et visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Aujourd'hui âgé de 67 ans, Iyad Ag Ghaly a transformé le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), créé en 2017, en "menace la plus importante dans le Sahel", selon l'ONU.

Ces dernières semaines, ce groupe tente d'asphyxier, à coups de blocus des grands axes, la capitale malienne Bamako.

Sous son leadership, Al-Qaïda s'est étendu du Mali, au Burkina Faso, au Niger, jusqu'au Togo, au Bénin et au Nigeria.

Selon de nombreux observateurs, si le JNIM essaie de se poser en protecteur des populations délaissées par ces Etats, son objectif n'a pas changé: installer un califat islamique dans les pays du Sahel.

Et les violences des jihadistes contre les civils soupçonnés de collaborer avec les armées sahéliennes, n'ont pas cessé.

La dernière apparition d'Ag Ghaly remonte à avril, quelque part au Sahel, dans des images de propagande où il prie avec ses lieutenants lors de la fête marquant la fin du ramadan, visiblement fatigué.

L'homme est "toujours aux manettes", selon une source du renseignement européen, mais le JNIM est désormais une organisation "structurée et performante" qui devrait lui survivre, explique Hans-Jakob Schindler, directeur du think tank Counter-Extremism Project (CEP).

Autrefois connu pour son goût des Marlboro et des Gauloises ainsi que pour sa proximité avec les musiciens touaregs de Tinariwen, selon des témoignages rapportés par le Wall Street Journal, le chef du JNIM s'est radicalisé à la fin des années 1990.

"Il a été en contact au Mali avec des membres de Jama't Dawa Wa Tabligh qui promouvaient le salafisme en Afrique du Nord et de l'Ouest", explique Rida Lyammouri, chercheur au Policy Center for the New South (PCNS).

Ses liens avec les jihadistes algériens du GSPC, devenu Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) en 2007, se renforcent dans les années 2000, selon l'ONU.

L'homme, petit, à la longue barbe blanchie et au visage austère dissimulé sous un turban, avait déjà troqué ses costumes Smalto pour des djellabas et des boubous en tissu damassé bazin.

- "Mécréants" -

Mais son véritable parcours jihadiste débute en 2011 avec la création d'Ansar Dine, l'un des premiers groupes à s'emparer du nord du Mali après le coup d'Etat de 2012, imposant la charia.

"Tous ceux qui ne sont pas sur la voie d'Allah sont des mécréants", prêche-t-il sur les ondes d'une radio locale de Tombouctou après la prise de la ville.

Ses brigades fouettent, lapident, interdisent la musique et détruisent quatorze des seize mausolées classés au patrimoine mondiale de l'UNESCO.

En 2024, la CPI dévoilera l'acte d'accusation: meurtres, viols, esclavage sexuel, torture, destructions de biens culturels.

Affaibli par l'intervention française en 2013, Iyad Ag Ghaly rebondit en 2017 en fédérant plusieurs groupes jihadistes - Ansar Dine, la Katiba Macina et Al-Mourabitoun - pour former le JNIM.

"Son surnom, c'est +le stratège+", dit Hans-Jakob Schindler qui estime que ses contacts "pendant très longtemps" avec Al-Qaïda et les "succès" que le JNIM a enchaîné depuis sa création ont fait de lui un émir respecté.

- "Souffrances" de son peuple -

Né en 1958 dans la région de Kidal (nord-est du Mali), près de la frontière algérienne, Iyad Ag Ghaly est issu de l'influente tribu touareg des Ifoghas.

Fils d'éleveurs nomades, il a été, entre autres, mécanicien, agent administratif en Libye et en Algérie.

Au début des années 1980, après une formation militaire il intègre le "Corps islamique panafricaniste", réservoir militaire et outil d'influence de Mouammar Kadhafi.

"J'ai participé en 1982 au déploiement libyen à Beyrouth aux côtés de factions alliées de l'Organisation de la Libération de la Palestine" (OLP), avait-il confié à un journaliste de l'AFP en 2010, à Kidal.

"Iyad a aussi combattu en 1987 lors du conflit entre le Tchad et la Libye", ajoute un ancien élu de Kidal qui le connaît.

C'est au nom des "souffrances" de son peuple, selon lui, qu'il lance la première rébellion touareg au Mali en 1990.

"Je suis d'un milieu pastoral marqué par les difficultés économiques et j'ai grandi dans un environnement façonné par le nomadisme, les solidarités tribales et aussi les tensions entre l'Etat malien et les populations du Nord", avait-il dit à l'AFP.

- "Activités religieuses suspectes" -

La rébellion terminée en 1996, Iyad Ag Ghaly refuse d'intégrer l'armée malienne et se reconvertit dans les affaires, disparaissant de la scène politico-militaire pendant des années.

Il réapparait dans les années 2000, sollicité par des services occidentaux pour négocier la libération d'otages détenus par des groupes affiliés à Oussama ben Laden.

Il sera ensuite conseiller consulaire à l'ambassade du Mali en Arabie saoudite, où il "se rapproche de milieux salafistes rigoristes et son discours se radicalise", explique un diplomate malien qui l'a bien connu.

Riyad exigera son départ en 2010 "pour activités religieuses suspectes", ajoute cette source.

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SMALTO

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