Rwanda/génocide: libération en Allemagne de l’ex-directeur de cabinet du président Juvénal Habyarimana

Rwanda/génocide: libération en Allemagne de l’ex-directeur de cabinet du président Juvénal Habyarimana©DR
La jaquette du livre d'Enoch Ruhigira
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Francfort (Allemagne) - Un proche de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana, qui était détenu en Allemagne depuis juillet 2016, pour sa participation présumée au génocide des Tutsi de 1994 au Rwanda, a été libéré lundi, a appris JusticeInfo.Net. Enoch Ruhigira, le dernier Directeur de cabinet de Juvénal Habyarimana, avait été arrêté lors de son escale le 20 juillet dernier à Francfort en exécution d’un mandat d’arrêt de la justice rwandaise.

Le mandat d’arrêt reposait sur des accusations qui avaient été jugées sans fondement par la Nouvelle-Zélande, dont il a la citoyenneté, et la Belgique, où il avait séjourné.

« Il a été libéré lundi 20 mars au soir, sans explications. Il est pour le moment en Allemagne et devrait retourner en Nouvelle - Zélande », a indiqué à JusticeInfo.Net, une source proche du dossier.

Aujourd'hui âgé de 66 ans, Enoch Ruhigira, un agronome de formation, est originaire de la commune de Bwakira, dans l'ancienne préfecture de Kibuye, dans l’ouest du Rwanda.

Comme l'attestent de nombreux témoignages, dont celui de l'ambassadeur de Belgique à Kigali à l'époque, Johan Swinnen, l’ex Directeur de cabinet n'avait pas accompagné son patron, Juvénal Habyarimana, au sommet de Dar-es-Salaam, le 6 avril 1994, date de l'attentat qui coûta la vie au chef de l'Etat. L’avion présidentiel fut atteint par un missile alors qu'il s'apprêtait à atterrir, dans la soirée, à l'aéroport international de Kigali.

Selon le diplomate belge, le Directeur de cabinet avait été chargé de négocier, pendant la journée, avec le Premier ministre, Madame Agathe Uwiligiyimana, les modalités de la mise en place des institutions de transition, dès son retour.

Le lendemain de l'attentat, témoigne encore Johan Swinnen, Enoch Ruhigira réussit à se mettre à l'abri à la résidence de l'ambassade de Belgique alors que d'autres hauts dignitaires du parti présidentiel, le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), se réfugient, escortés, pour certains, par des éléments de la Garde présidentielle (GP), à l'ambassade de France.

Evacué par l'armée belge

Lors de la mise en place du gouvernement intérimaire, le 9 avril 1994, Enoch Ruhigira, toujours à la représentation diplomatique belge, est reconduit, en son absence, dans ses fonctions de Directeur de cabinet de la Présidence de la République désormais confiée à Théodore Sindikubwabo. Mais Ruhigira n'occupera jamais ces fonctions sous Sindikubwabo, car le 12 avril 1994, il est évacué par l'armée belge sur Nairobi, d'où il rejoindra la Belgique.

Un mois plus tard, l'ancien proche collaborateur du président Habyarimana ne s'est toujours pas présenté devant son nouveau patron Théodore Sindikubwabo. Ce dernier, par un télégramme officiel daté du 13 mai 1994 et transmis deux jours plus tard par le ministère des Affaires étrangères donne instruction à l'ambassade rwandaise à Nairobi « de contacter Monsieur Ruhigira Enoch, Directeur de Cabinet » à la Présidence de la République et « de l'inviter à se présenter immédiatement au cabinet » du président. L'ambassade reçoit par ailleurs l'ordre de « lui faciliter le déplacement jusqu'à Kigali ».

Mais Enoch Ruhigira ne se présentera jamais, obligeant le gouvernement intérimaire à nommer à sa place Daniel Mbangura un autre membre du MRND.

En 2011, Ruhigira a publié « Rwanda : la fin tragique d'un régime », un ouvrage dans lequel il propose une autre lecture de la tragédie rwandaise de 1990 à 1994. Le livre invite à nuancer ou met carrément en doute certaines affirmations souvent présentées comme des faits de notoriété publique. L'auteur dément ainsi que la France ait soutenu aveuglément le président Juvénal Habyarimana.

JI/FS