20.02.09 - TPIR/KARERA - KARERA : LA PEINE CONFIRMEE MAIS CERTAINES CONCLUSIONS INVALIDEES

Bruxelles, 20 février 2009 (FH) - La Chambre d'appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a confirmé le 2 février l'emprisonnement à perpétuité de l'ex-préfet de Kigali rural François Karera, bien qu'elle ait invalidé certains conclusions des premiers juges.

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La Chambre d'appel n'est pas revenue sur la sentence prononcée en première instance le 7 décembre 2007, considérant que les crimes pour lesquels l'appelant a été déclaré coupable « sont extrêmement graves» et ont engendré la mort d'un nombre important de victimes civiles.

Néanmoins, les juges d'appel ont relevé deux erreurs dans l'acte d'accusation qui auraient dû aboutir, en première instance, à une remise en cause partielle de la responsabilité de l'accusé, concernant certains faits.

Ils considèrent que l'ajout de la distribution d'armes dans la localité de Rushashi au nombre des charges contre l'accusé alors qu'elle n'était pas invoquée dans l'acte d'accusation constitue une modification de facto inadmissible de l'acte d'accusation.

Ils ont enfin, proprio motu, autrement dit de leur propre initiative, sans que l'appelant ne l'ait invoqué, annulé la condamnation de François Karera pour génocide et extermination, relativement au meurtre de Murekezi. Même si pour d'autres faits, sa culpabilité pour ces deux chefs a été confirmée.

En effet, cette qualification, pour ce fait-là, n'apparaît pas dans l'acte d'accusation amendé. Alors qu'elle était bien présente dans la version initiale, elle a disparu au profit d'une inculpation pour le meurtre en tant que crime contre l'humanité.

La Chambre d'appel a alors considéré que l'accusé pouvait légitimement croire qu'il n'était plus poursuivi pour cette charge, ce qui pouvait engendrer des conséquences dans la préparation de sa défense.

Jean-Pierre Fofe Djofia Malewa, avocat au TPIR et professeur à l'Université de Kinshasa, décrit l'acte d'accusation comme « la pièce maîtresse du procès » dans son livre « La question de la preuve devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le cas Cyangugu » paru en 2006.

C'est par cet acte que « les faits et le droit soumis à discussion (devant le TPIR) sont exposés » explique-t-il. Surtout, c'est à la suite de la confirmation de l'acte d'accusation que le suspect acquiert officiellement le statut d'accusé.

Le Procureur établit un acte d'accusation « s'il décide qu'au vu des présomptions, il y a lieu d'engager des poursuites ». Il expose alors « succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à l'accusé en vertu du statut » du tribunal.

L'article 47 C) du Règlement de procédure et de preuve du TPIR (RPP) parle lui d'un « exposé concis des faits de l'affaire et du crime ».

L'acte d'accusation sera par la suite confirmé ou rejeté par un juge de première instance.

Dans l'arrêt Karera, la Chambre d'appel du TPIR affirme, comme elle l'a déjà fait notamment dans l'arrêt Tharcisse Muvunyi, que « les charges contre un accusé et les éléments matériels à l'appui de ces charges doivent être plaidés avec suffisamment de précision dans un acte d'accusation de telle manière qu'ils informent l'accusé».

En effet, c'est sur la base de ces charges que l'accusé construira sa défense.

Le Procureur a la possibilité de modifier l'acte d'accusation qu'il a délivré en vertu de l'article 50 du RPP. Les modifications doivent être approuvées par un juge, sauf si l'acte d'accusation initial n'a pas encore été confirmé, pour que l'acte soit amendé.

Le juge ou la Chambre saisi, vérifie alors chaque chef d'accusation et tout élément en rapport, et peut demander des éléments supplémentaires avant de valider les modifications présentées.

L'accusé plaidera de nouveau coupable ou non coupable si de nouvelles charges contre lui sont adoptées.

Jean-Pierre Fofe Djofia Malewa considère que l'importance de cette pièce du procès « justifie la stricte réglementation de sa modification » et que les tentatives de correction des imperfections en dehors de ce cadre sont proscrites.

Le Procureur a en effet régulièrement argumenté qu'il avait la possibilité de corriger ses erreurs, notamment lors du dépôt de son « mémoire préalable » au procès dans lequel il récapitule la stratégie qu'il adoptera.

Cette question a été à maintes reprises tranchée par les deux Tribunaux ad hoc qui ont considéré qu'un mémoire préalable au procès ne peut réparer un défaut dans un acte d'accusation que dans certaines circonstances.

Celles-ci se limitent selon les juges au cas où le document « procure des détails qui sont cohérents avec une allégation générale plaidée dans l'acte d'accusation ».

Dans l'affaire Karera, le Procureur avait considéré avoir réparé ses erreurs par « une information ultérieure, à temps, claire et cohérente ».

Mais la Chambre d'appel rappelle et conclut que l'ajout d'une charge ne peut être incorporée dans l'acte d'accusation qu'en suivant la procédure prévue à l'article 50 du RPP.

Dans l'affaire Muvunyi, également remarquable pour les erreurs commises dans l'acte d'accusation, la Chambre d'appel n'avait pas manqué de rappeler qu' « une Chambre de première instance ne peut condamner un accusé que pour des crimes plaidés dans l'acte d'accusation ».

AV/ER/GF

Agence Hirondelle