27.02.09 - RWANDA/BELGIQUE - UN EX- CHEF MILICIEN DEVANT LES ASSISES EN BELGIQUE EN NOVEMBRE

Bruxelles, 27 février 2009 (FH) - Le procès d'Ephrem Nkezabera, un ancien membre dirigeant des milices Interahamwe, va s'ouvrir le 9 novembre devant la cour d'assises de Bruxelles, a confirmé le greffe de la Cour jeudi matin.

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Nkezabera, 56 ans, est accusé de crimes de guerre et d'atteintes au droit international humanitaire (meurtres, tentatives de meurtres et viols) pour sa participation au génocide de 1994 qui a fait environ 800. 000 morts selon l'Onu, essentiellement parmi la minorité tutsie.

En mai 2008, la chambre des mises en accusation avait rejeté l'inculpation pour « crimes de génocide » demandée par le parquet fédéral. Ce crime n'a été introduit en droit belge qu'en 1999. Les faits ayant été commis en 1994, les juges avaient rappelé le principe de non-rétroactivité de la loi pénale à l'appui de leur décision.

Me Gilles Vanderbeck, l'avocat de Nkezabera, a confirmé à l'agence Hirondelle que son client, dans l'attente de son procès, avait été libéré le 27 août 2008, une information qui n'a été révélée que dans le journal « Le Soir » de mercredi. « La détention préventive doit rester une mesure exceptionnelle, et les juges ont accepté ma requête de mise en liberté dans l'attente de la comparution - une décision que je me suis efforcé de ne pas ébruiter », a-t-il déclaré. Il s'est refusé à en dire plus, notamment sur l'endroit où se trouvait Nkezabera depuis lors.

Aucune mesure particulière pour limiter sa liberté de mouvement n'a été décidée par la chambre des mises en accusation, a-t-il ajouté, ce qu'a confirmé le parquet fédéral, qui a précisé qu'une ordonnance de capture était toujours en vigueur à son encontre au cas où l'ancien banquier ne se présenterait pas à son procès.

En 1994, Nkezabera était président de la commission des affaires économiques et des finances au sein du comité national des Interahamwe, la principale milice ayant participé aux massacres. Cadre de la Banque commerciale du Rwanda (BCR), il était aussi membre du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), le parti du président Juvénal Habyarimana.

Arrêté à Bruxelles en 2004, à la suite d'un accord conclu avec le procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), il était réputé être depuis plusieurs années, aux côtés d'autres anciens dirigeants des Interahamwe, un informateur du tribunal onusien.

Cité comme témoin lors de précédents procès s'étant déroulés en Belgique, en 2005 et 2007, il avait lors des audiences de 2005 fourni de nombreuses indications sur les circuits de financement du génocide.       

Nkezabera est en aveux sur la plupart des faits qui lui sont reprochés. Il a admis, lors de l'instruction, avoir armé et financé les Interahamwe afin d'exterminer les Tutsis et les Hutus modérés. Il a ajouté avoir publiquement « encouragé » de nombreux Interahamwe au massacre lors d'une réunion publique en 1993. Enfin, il reconnaît avoir participé au financement de la Radio libre des mille collines, créée la même année et qui a ouvertement soutenu les tueries sur ses ondes.

Il rejette en revanche les accusations de viols, parlant de « partenaires consentantes » - ce que contestent les avocats des parties civiles, qui estiment que les victimes présumées n'avaient d'autre choix que de céder ou de se faire tuer.

Les juges ont également retenu, en plus des crimes identifiés, des incriminations ouvertes de « meurtre ou viol d'un nombre indéterminé de personnes en des lieux indéterminés à des dates indéterminées entre le 6 avril et le 2 juillet 1994 ». Me Vanderbeck a critiqué ce choix qui a provoqué, selon lui, des « dérives » lors des précédents « procès Rwanda » en autorisant la constitution de nombreuses parties civiles très éloignées, voire étrangères à la cause.

Onze victimes présumées se sont à ce jour constituées parties civiles. Elles s'étaient de leur côté déclarées très déçues de la décision des juges de ne pas retenir l'inculpation de génocide. « Les victimes ne comprennent pas, avait expliqué Me Philippe Lardinois, un de leurs avocats. Nkezabera est un génocidaire et sans doute le plus gros poisson qu'aura jugé jusqu'à présent la Belgique. Il n'est pas facile de comprendre cette décision basée sur des considérations de technique juridique, d'ailleurs discutables. »

Selon les parties civiles, d'accord cette fois avec le parquet fédéral, la Belgique aurait pu se fonder sur le droit international, et notamment sur la Convention pour la répression du crime de génocide (1948) ratifiée en 1951 par le royaume. Les victimes, lors des trois précédents procès, avaient en effet critiqué le parquet pour n'avoir pas utilisé ce chef d'accusation - alors inopportun, selon celui-ci.

Lors de ces procès, en 2001, 2003 et 2007, la Belgique a condamné sept personnes à de lourdes peines. Deux d'entre elles, Maria Kizito, religieuse condamnée en 2001 à 12 ans de prison, et Vincent Ntezimana, universitaire condamné à 12 ans de prison lors du même procès, ont bénéficié d'une libération anticipée, respectivement en 2007 et 2006.

La Belgique est un des rares pays européens à avoir mené à bien des procès en rapport avec le génocide rwandais, en vertu d'une loi dite de « compétence universelle » datant de 1993, révisée en 2003. Le procès d'Ephrem Nkezabera devrait durer environ un mois.

BF/ER/GF

Agence Hirondelle