18.03.09 - RWANDA/GACACA - UN EX-DEPUTE, UN MILITANT DES DROITS HUMAINS ET UN MILICIEN CONDAMNES

Kigali, 18 mars 2009 (FH) - L'actualité des juridictions semi populaires gacacas a été dominée le week end dernier par la condamnation de l'ancien député Elisée Bisengimana, du militant des droits de l'homme François-Xavier Byuma et de l'ex-chef milicien Setiba, dit « colonel ».

3 min 28Temps de lecture approximatif

Prononcées dans des affaires différentes, ces condamnations font cette semaine la une des journaux rwandais, en raison de la notoriété des trois personnes.

Vendredi après-midi, Bisengimana, ancien député du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir), qui était jugé en révision, a écopé de 19 ans de prison ferme après avoir été reconnu coupable de génocide et de crimes contre l'humanité par la juridiction gacaca d'appel de Huye (sud) en déplacement à Rusizi (sud-ouest), localité d'origine de l'accusé et théâtre des faits visés dans l'acte d'accusation.

Le jugement a conclu à la participation de l'ex-parlementaire à des réunions de préparation du génocide, notamment au Groupe scolaire de Gihundwe où il était enseignant en 1994.

Il était jugé avec une vingtaine de co-accusés, dont un haut cadre de la Commission nationale pour l'unité et la réconciliation, Gabriel Murwanashyaka, qui s'est vu infliger 30 ans de détention.

Après le génocide, Bisengimana a occupé le poste de préfet de Cyangugu, avant son entrée à l'Assemblée nationale en 1999. Lors des dernières législatives de septembre 2008, il ne figurait pas sur la liste des candidats du FPR, en raison sans doute des lourdes accusations qui pesaient contre lui. A l'époque où il siégeait encore à l'Assemblée nationale, il avait été poursuivi pour génocide et acquitté. Mais suite aux recours de nombreuses victimes qui affirmaient qu'il avait suborné juges et témoins, il a été rejugé.

A la différence de Bisengimana, François-Xavier Byuma n'est pas une très connu sur la scène politique rwandaise. Mais son nom est plus familier dans d'autres milieux. Auteur dramatique très populaire et militant des droits de l'homme de longue date, Byuma a été condamné samedi, à Kigali, à 17 ans de prison, au terme d'un procès en révision. Il avait déjà écopé de 19 ans de détention dans une première procédure. Samedi, le nouveau verdict a été prononcé chez lui à Biryogo, un quartier de Kigali, par une juridiction gacaca de Rwamagana (Province de l'Est) qui s'était déplacée dans la capitale.

Une fois de plus, il a été reconnu coupable de « tentative d'assassinat de Louise Batamuliza, complicité d'assassinat de Raymond Kabayiza, érection de barrages routiers et association de malfaiteurs ». Après son premier procès, plusieurs organisations nationales et internationales des droits de l'homme avaient pris sa défense, affirmant qu'il était victime d'un différend avec l'un de ses juges, Sudi Imanzi.

L'autre jugement important du week end a été celui du « colonel Setiba » condamné dimanche à la réclusion criminelle à perpétuité par la juridiction d'appel de Mageragere, également dans la ville de Kigali.

Setiba ne faisait pas partie de l'armée, même s'il portait toujours pendant le génocide des galons d'officier supérieur et tenait toujours à se faire accompagner d'une escorte. Cet ancien chef milicien, aujourd'hui âgé de 65 ans et dont le nom inspire encore la terreur, était, en 1994, « chargé de la discipline » des Interahamwe dans la ville de Kigali. Le jury a retenu contre lui les crimes de « planification et organisation du génocide, incitation au génocide, exécution et supervision du génocide dans l'ancienne commune de Butamwa (banlieue de Kigali), établissement de listes de Tutsis à tuer à Butamwa, détention illégale et distribution d'armes à feu ».

D'après les débats dans cette affaire, « le colonel Setiba » était surtout l'homme du tristement célèbre barrage routier de Giticyinyoni, à l'entrée de la capitale rwandaise. « Setiba et ses miliciens y interceptaient et tuaient tous les Tutsis mais aussi des militaires hutus transportant des Tutsis dans leurs véhicules pour tenter de les évacuer», avait précisé le témoin Célestin Murangwa.

« Je recevais des ordres et instructions que je transmettais aux subalternes. Cela ne fait pas de moi un planificateur », avait réagi « le colonel », tentant d'alléger sa responsabilité.

Mais un autre témoin, Ildephonse Kabanda, avait renchéri en indiquant que Setiba avait accompli « son travail » à Kigali et apporté sa macabre contribution en différents autres endroits.  Ce qui lui a valu d'être condamné par d'autres tribunaux gacacas du Rwanda.

SRE/ER/GF

Agence Hirondelle