20.05.09 - RWANDA/CANADA - JUGEMENT VENDREDI A MONTREAL POUR LE RWANDAIS DESIRE MUNYANEZA

Montréal, 20 mai 2009 (FH) - Un Hutu de 42 ans, accusé d'avoir perpétré des viols et dirigé une milice dans le sud du Rwanda lors du génocide de 1994, connaîtra vendredi son jugement dans le premier procès de l'histoire canadienne pour crimes contre l'Humanité.

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Le procès de Désiré Munyaneza s'est ouvert en janvier 2007 au palais de justice de Montréal et s'est déplacé en Afrique et en Europe pour entendre quelques uns des 66 témoins présentés par l'accusation et la défense.

Les parties ont notamment invité à comparaître dans la métropole québécoise des "témoins de contexte", dont le général à la retraite Roméo Dallaire, à la tête de la force des Nations unies au Rwanda en 1994, et l'historienne américaine Alison des Forges, décédée au début de l'année.

Fils d'un commerçant aisé de Butare, M. Munyaneza est accusé d'avoir perpétré des viols, tué et torturé des civils, ainsi que d'avoir dirigé une des principales milices qui tenait des barrages de la mort dans cette préfecture du sud du Rwanda.

Il aurait ensuite fui au Cameroun avant d'arriver au Canada en 1997 avec un faux passeport. Malgré plusieurs requêtes, sa demande d'asile a été rejetée par les autorités canadiennes en raison de son rôle présumé dans le génocide. Il a été arrêté en 2005 à Toronto, où il résidait avec sa famille, au terme d'une enquête de cinq ans de la police fédérale.

Son procès est un test pour la justice canadienne, car il est la première personne inculpée au Canada en vertu d'une loi de "compétence universelle" sur les crimes contre l'Humanité, promulguée en octobre 2000.

S'il est reconnu coupable, il encourt la prison à perpétuité, soit 25 ans sans possibilité de libération conditionnelle.

En costume sombre et sous les yeux de son épouse, M. Munyaneza est apparu très attentif lors des auditions à Montréal, dont beaucoup se sont déroulées à huis-clos, prenant scrupuleusement des notes et échangeant des propos avec ses avocats.

A la demande du ministère public et de la défense, de nombreux témoins ont comparu sous des identités dissimulées, par crainte pour leur sécurité.

Certains rescapés, surtout des femmes, ont raconté que celui qui se faisait appeler "Gikovu" (cicatrice en kinyarwanda) aurait dirigé un réseau de miliciens Interahamwe à Butare en compagnie d'Arsène Shalom Ntahobali, fils de l'ex-ministre de la Famille, Pauline Nyiramasuhuko.

Jugés au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), siégeant à Arusha, en Tanzanie, M. Ntahobali et sa mère, contre lesquels le procureur a requis la prison à vie le mois dernier, attendent d'être fixés sur leur sort.

Et lors d'une commission rogatoire au Rwanda, un homme emprisonné pour sa participation au génocide a affirmé de son côté que M. Munyaneza avait orchestré le massacre de 300 à 400 Tutsis dans l'église de Ngoma.

Face à ces accusations, la défense a mis en avant les propos contradictoires de certains témoins à charge et a fait comparaître des proches de M. Munyaneza, ainsi que des réfugiés qu'il aurait accueillis, pour détailler son emploi du temps durant le génocide.

Le portrait qu'ils ont dressé est celui d'un fils dévoué à la tenue de l'entreprise familiale et d'un jeune homme amoureux.

Mais certains témoins de la défense n'ont guère convaincu le juge de la Cour supérieure du Québec André Denis qui a déclaré avoir identifié "de grands pans de témoignages" qu'il ne considérerait pas dans son jugement car "pas pertinents".

Quel que soit le verdict du juge Denis, l'affaire a toutes les chances d'être portée en appel par l'une ou l'autre partie.

CS/ER/GF

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