Mardi prochain, l'ancien sous-préfet de Gisagara (sud), Dominique Ntawukulilyayo, poursuivi pour génocide et incitation directe et publique à commettre le génocide, sera dans le box des témoins pour réfuter les allégations portées contre lui.
L'ex- responsable administratif, aujourd'hui âgé de 67 ans, répond notamment du massacre, en avril 1994, de milliers de Tutsis qui avaient trouvé refuge sur la colline de Kabuye.
« Je suis d'accord que ce n'est toujours pas la meilleure stratégie. Mais nous pensons qu'il est important que Ntawukulilyayo, qui est un homme équilibré, s'explique devant ses juges », a indiqué à l'agence Hirondelle, Me Maroufa Diabira, l'avocat principal de l'ancien sous-préfet.
« Il faut que Ntawukulilyayo soit connu de ses juges », a ajouté l'avocat mauritanien, joint au téléphone alors qu'il rentrait du centre de détention du TPIR où il était allé préparer son client pour sa déposition.
Un Rwandais travaillant depuis plus 7 ans au sein d'une équipe de défense au TPIR estime également que ce type de témoignage est délicat : « L'exercice peut, lorsqu'il n'a pas été bien préparé par l'accusé et son avocat, avoir un effet boomerang. Il ne faut surtout pas que l'accusé - témoin se contredise ou contredise l'un quelconque de ses témoins ».
Selon ce défenseur, «si la chambre peut comprendre que des témoins se contredisent plus de 15 ans après les faits, elle comprendra moins facilement qu'un accusé contredise ses propres témoins ».
Cela est notamment arrivé dans le procès de l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur Jean de Dieu Kamuhanda, condamné notamment sur la base de contradictions entre sa déposition et celles d'autres témoins à décharge, dont son épouse Théopiste. Ses contradictions ont largement contribué au rejet de la défense d'alibi de cet ancien dignitaire, qui a été condamné à la prison à vie.
Jusqu'à présent, la plupart des personnes jugées par le TPIR ont déposé dans leur propre procès.Certaines, comme le colonel Théoneste Bagosora, condamné à la prison à vie en décembre 2009, ou l'ex-ministre de la Famille, Pauline Nyiramasuhuko, en attente de verdict, ont même saisi de cette occasion pour s'attaquer à l'actuel régime rwandais, au risque de perdre de vue les faits qui leur sont reprochés.
« Lorsque l'avocat laisse son client discourir en long et en large, faire le procès des ses ennemis d'hier ou d'aujourd'hui, le procureur lui est aux aguets, car c'est dans ces moments de dérapage que peuvent venir des contradictions », explique le défenseur rwandais déjà cité.
En faisant le choix de déposer pour sa défense, l'accusé s'expose, comme tous les autres témoins, à un contre-interrogatoire serré du procureur et parfois même, en cas de conflits d'intérêts dans le cadre d'un procès joint, par une autre équipe de défense.
C'est sans doute la raison pour laquelle dans l'affaire Bagosora, l'un des accusés, le général Gratien Kabiligi, le seul à avoir été acquitté dans ce procès, avait renoncé à la dernière minute à son droit d'être entendu par les juges.
Basé à Arusha, dans le nord de la Tanzanie, le TPIR est chargé de rechercher et juger les principaux responsables présumés du génocide de 1994 qui a fait, selon l'ONU, près de 800.000 tués, essentiellement d'ethnie tutsie.
ER/GF
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