Jeudi, le tribunal gacaca de Ntyazo, dans le district de Nyanza (Province du Sud), a infligé la prison à vie au chanteur Juvénal Masabo Nyangezi qui était jugé par contumace. Ce chantre de l'amour, qui vivrait en Europe, a été condamné pour incitation à commettre le génocide dans les préfectures de Butare et Gikongoro, toutes deux situées dans le sud du Rwanda.
Samedi, Valérie Bemeriki, qui avait plaidé coupable devant le tribunal gacaca de Nyakabanda, dans la ville de Kigali, a été reconnue coupable de « planification du génocide, incitation des Hutus au génocide, complicité d'assassinat de plusieurs personnes et familles».
Elle avait avoué avoir lancé sur les ondes de la RTLM des appels à rechercher et tuer les Tutsis.
Au moment de la création de la RTLM en 1993, Bemeriki travaillait comme « reporter de guerre » au journal Umurwanashyaka, publié par le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) du président Juvénal Habyarimana. Recrutée par la radio, elle reconnaît avoir été appelée, avec le rédacteur en chef Gaspard Gahigi et le directeur Phocas Habimana, à « combattre l'ennemi tutsi par le micro ». Gahigi et Habimana seraient décédés.
Mme Bemereki a été arrêtée par les troupes rwandaises à Minova, dans l'ex-Zaïre et transférée au Rwanda en juin 1999. Elle a déjà été jugée et condamnée par d'autres juridictions gacacas.
Egalement samedi, un grand auteur et acteur de théâtre rwandais, Dismas Mukeshabatware, condamné à 19 ans de prison ferme en octobre dernier, se défendait devant la chambre d'appel du tribunal gacaca de Ngoma, dans le district de Huye (sud).
En première instance, le comédien avait été reconnu coupable de complicité dans l'assassinat d'une femme tutsie de Ngoma, en avril 1994.
L'acteur était arrivé dans ce secteur en avril 1994, en provenance de Kigali où il avait sa résidence. Il faisait alors partie de la célèbre troupe théâtrale Indamutsa de Radio Rwanda, au sein de laquelle il a continué à évoluer après le génocide. Mukeshabatware est connu pour son humour, son extraordinaire capacité à incarner une diversité de rôles et sa haute maîtrise des subtilités de la langue rwandaise.
Inspirées des anciennes assemblées lors desquelles les sages du village tranchaient les différends, assis sur le gazon (gacaca, en langue rwandaise), les juridictions gacacas sont chargées de juger les auteurs présumés du génocide de 1994, à l'exception des « planificateurs» au niveau national. Les personnes siégeant dans ces tribunaux ne sont pas des magistrats professionnels mais des citoyens intègres désignés au sein de leur communauté. Les gacacas qui ont jugé plus d'un million de personnes, selon les autorités rwandaises, peuvent prononcer la prison à vie, la peine la plus lourde au Rwanda. Elles sont en train de boucler leurs derniers procès et devraient clore leurs travaux en février 2010.
SRE-ER/GF
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