05.07.10 - TPIR/UWINKINDI - UN PASTEUR ACCUSE D'AVOIR TRANSFORME SON EGLISE EN BOUCHERIE

Arusha, 05 juillet 2010 (FH) - Le pasteur Jean- Bosco Uwinkindi, arrêté le 30 juin en Ouganda et transféré le surlendemain au centre de détention du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), est notamment accusé d'avoir transformé son église en sanctuaire de génocidaires et en boucherie humaine en 1994.

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Il devrait être présenté « incessamment » devant un juge, selon le porte-parole du TPIR, Roland Amoussouga.

Né en 1951, l'homme d'église, aujourd'hui inculpé d'entente en vue de commettre le génocide, génocide et extermination, était en charge de l'église pentecôtiste de Kayenzi, dans la commune de Kanzenze, à l'est de la capitale rwandaise, Kigali.

Selon l'acte d'accusation, l'homme de Dieu n'avait jamais porté les Tutsis dans son cœur.

«Il haïssait les Tutsis et disait d'eux qu'ils étaient des Inyenzi (cancrelats) qui occupaient son pays et que les Hutus devaient leur résister », allègue ce texte daté du 5 septembre 2001.

Au moment du génocide, poursuit l'accusation, le pasteur Jean - Bosco Uwinkindi a mené un groupe de tueurs pour débusquer et exterminer les Tutsis, particulièrement des civils Tutsis de la commune de Kanzenze. Le groupe vivait dans l'église ».

Quand il sortait de son édifice, c'était, selon le procureur, pour galvaniser les tueurs à l'entrée du lieu de culte.

« Le 7 avril 1994 ou vers cette date, le pasteur Uwinkindi s'est rendu au barrage routier dressé devant l'église de Kayenzi et s'est adressé » à son groupe, « en ordonnant d'empêcher tout Tutsi de traverser le barrage », accuse le procureur.

Conséquence : plusieurs Tutsis ont été interceptés au barrage et conduits à l'église, où ils ont été tués.

Selon la poursuite, le prêtre et son groupe ont également sévi dans les environs de l'église paroissiale, notamment dans les cellules Byimana et Rwankeri, dans la journée du 9 avril 1994. Face à la résistance des Tutsis, Uwinkindi aurait fait appel à des gendarmes.

L'accusé aurait même organisé et dirigé des battues dans les marécages à la recherche de Tutsis encore en vie.

Uwinkindi n'est pas le premier religieux mis en cause par le TPIR pour sa responsabilité présumée dans le génocide des Tutsis.

Le plus haut responsable ecclésiastique à avoir été inculpé par le TPIR, l'évêque anglican Samuel Musabyimana, est décédé en janvier 2003, avant même l'ouverture de son procès.

Par ailleurs, le premier homme d'église condamné par le TPIR, le pasteur adventiste Elizaphan Ntakirutimana, est mort d'une longue maladie au début de l'année 2007, quelques semaines seulement après avoir terminé sa peine de 10 ans de prison.

Les autres ecclésiastiques mis en accusation par le TPIR appartiennent à l'église catholique. Parmi eux, on compte l'ancien vicaire de Nyange (ouest), Athanase Seromba, condamné définitivement à la prison à vie, et l'ex-aumônier militaire, Emmanuel Rukundo condamné en première instance à 25 ans de prison et qui attend l'arrêt de la chambre d'appel.

Par contre, l'abbé Hormisdas Nsengimana qui dirigeait une école secondaire prestigieuse du sud du Rwanda a rejoint cette année un diocèse italien après son acquittement le 17 novembre 2009.

Un autre prêtre catholique inculpé par ce tribunal, l'abbé Wenceslas Munyeshyaka, sera jugé en France, conformément à une décision de dessaisissement du TPIR.

Le rôle des Eglises, particulièrement de l'Eglise catholique, dans le génocide de 1994 au Rwanda suscite toujours de vives controverses.

Lors des pogroms anti-tutsis de 1959 et de 1962 au Rwanda, les Tutsis qui s'étaient réfugiés dans des églises avaient eu la vie sauve.

En 1994, ils avaient donc afflué dans ces édifices religieux, espérant échapper à la mort.

Mais, c'était, cette fois-ci, pour y mourir, déchiquetés par des grenades, brûlés vifs ou découpés à la machette.

ER/GF

© Agence Hirondelle