11.02.11 - TPIR/MILITAIRES I - UN MINISTRE RWANDAIS SOMME DE TEMOIGNER SOUS PEINE DE POURSUITES

Arusha, 11 février 2011 (FH) - La chambre d'appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a ordonné que le général Marcel Gatsinzi, membre de l'actuel gouvernement rwandais, soit entendu le 30 mars prochain, faute de quoi il pourrait être poursuivi pour outrage à la cour, a-t-on appris vendredi de source judiciaire.

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Le général Marcel Gatsinzi, qui fut chef d'état-major intérimaire de l'armée rwandaise pendant les dix premiers jours du génocide des Tutsis de 1994, doit déposer dans le cadre de l'appel interjeté par l'ancien directeur de cabinet au ministère de la Défense, le colonel Théoneste Bagosora condamné à la perpétuité.

Dans une décision rendue jeudi et transmise vendredi à l'agence Hirondelle, la chambre d'appel  « ordonne que Marcel Gatsinzi soit présent pour être entendu comme témoin le mercredi 30 mars 2011 à 9 heures au siège du tribunal à Arusha, Tanzanie ».

Elle donne instruction au greffe de « communiquer cette ordonnance à Marcel Gatsinzi et de prendre tous les mesures nécessaires pour faciliter sa présence à l'audience ».

La chambre « informe » le ministre qu'il peut, s'il le souhaite, être accompagné de son avocat pour son audition.Elle lui rappelle que le refus de se conformer à « la présence ordonnance pourra être considéré comme un outrage au tribunal », acte punissable, selon le règlement de procédure et de preuve du TPIR.

Même si la déposition a été demandée par Bagosora, le général sera entendu comme « témoin de la cour ». C'est-à-dire que les juges seront les premiers à lui poser les questions, laissant ensuite un temps égal au procureur et à Bagosora pour le contre-interrogatoire.

Le 18 décembre 2008, Bagosora qui avait été présenté par le procureur comme « le cerveau » du génocide des Tutsis, a été reconnu coupable de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

Les juges de première instance ont conclu à sa responsabilité dans l'assassinat du Premier ministre de l'époque, Agathe Uwilingiyimana, des dix casques bleus belges qui étaient chargés de la protéger et de plusieurs dirigeants politiques. Il a été également condamné pour les massacres de Tutsis à des barrages routiers dans la ville de Kigali et dans sa région d'origine de Gisenyi (nord), entre la soirée du 6 avril et le 9 avril 1994.

Selon le jugement, Bagosora était, en l'absence du ministre de la Défense, la plus haute autorité militaire du Rwanda au cours de cette période. Ce que l'appelant a toujours contesté, affirmant n'avoir jamais exercé de contrôle, ni de fait, ni de droit, sur les Forces armées rwandaises (FAR).

A sa demande, la chambre de première instance avait, lors du procès, ordonné le 11 septembre 2006, la comparution du général Gatsinzi.

Ce dernier, qui était alors ministre de la Défense, avait posé des conditions à sa déposition : être entendu comme témoin de la chambre et non de Bagosora, ce que la chambre avait refusé. Gatsinzi avait également demandé à déposer en vidéoconférence et les choses en étaient restées là jusqu'à la fin du procès.

Le 25 août 2010, quelques mois après avoir déposé son mémoire d'appel, la défense de Bagosora avait demandé à la chambre d'appel de rendre une ordonnance contraignant le général à venir témoigner viva voce.

Sans suivre Bagosora dans tout son raisonnement, la chambre d'appel conclut que l'audition du ministre permettra de déterminer « si ou à quel point le défaut de témoignage (de Gatsinzi) a violé le droit de Bagosora à un procès équitable ou lui a causé un préjudice comme il le soutient ».

L'ancien directeur de cabinet comparaîtra en appel avec l'ancien commandant des opérations militaires dans le secteur de Gisenyi (nord), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, et l'ancien commandant du bataillon paracommando le major Aloys Ntabakuze, également condamnés à la prison à vie.

ER/GF

© Agence Hirondelle