Une offensive sur Rafah "torpillerait" un accord sur les otages à Gaza, avertit le Hamas

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Le Hamas a averti dimanche qu'une offensive militaire israélienne contre Rafah, la ville du sud de la bande de Gaza où sont réfugiés des centaines de milliers de civils, anéantirait les espoirs de libération des otages détenus dans le territoire palestinien.

Plusieurs pays ont mis en garde contre une "catastrophe humanitaire" en cas d'assaut sur la ville surpeuplée.

Rafah est devenue le dernier refuge pour 1,4 million de Palestiniens, selon l'ONU, coincés contre la frontière fermée avec l'Egypte, en grande majorité des déplacés ayant fui la guerre qui fait rage depuis quatre mois entre Israël et le mouvement islamiste.

Les combats se poursuivaient dimanche à quelques kilomètres au nord, dans la ville en grande partie détruite de Khan Younès, où l'armée israélienne traque les combattants du Hamas depuis plusieurs semaines.

Des correspondants de l'AFP ont entendu des explosions régulières, des avions en survol et vu plusieurs panaches de fumée noire s'élever dans le ciel.

L'armée a indiqué qu'elle "continuait à éliminer des terroristes et conduire des opérations ciblées dans l'ouest" de la ville. Elle a diffusé des images montrant des soldats à pied et des chars progressant dans les ruines de Khan Younès, où résonnaient des tirs.

- "Dernier bastion" -

"La victoire est à portée de main. Nous allons le faire. Nous allons prendre les derniers bataillons terroristes du Hamas et Rafah, qui est le dernier bastion", a déclaré sur la chaîne ABC News le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui a ordonné à l'armée de préparer une offensive sur la ville.

Israël assurera "un passage sécurisé à la population civile pour qu'elle puisse quitter" la ville avant l'assaut, a-t-il ajouté, sans préciser où les civils pourraient se réfugier.

"Je ne sais pas où nous irons" en cas d'offensive, a témoigné Farah Muhammad, qui a fui la ville de Gaza, dans le nord du territoire.

"Il n'y plus d'endroit pour s'échapper. Je n'ai pas d'argent pour aller dans le centre, les routes sont dangereuses et la mort est partout", dit cette mère de cinq enfants âgée de 39 ans, qui a perdu tout contact avec son mari depuis un mois.

"Toute attaque (...) sur la ville de Rafah torpillerait les négociations" en cours sur un échange entre les otages et des Palestiniens détenus par Israël, a affirmé dimanche à l'AFP un responsable du Hamas.

Le mouvement islamiste, au pouvoir à Gaza depuis 2007, avait averti samedi qu'une offensive israélienne sur Rafah pourrait faire "des dizaines de milliers de morts et de blessés".

- "Catastrophe humanitaire" -

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée par des commandos du Hamas dans le sud d'Israël, qui a fait plus de 1.160 morts, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.

En représailles, Israël a juré de "détruire" le Hamas, qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne notamment. L'armée israélienne a lancé une offensive qui a fait 28.176 morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.

Environ 250 personnes ont été enlevées en Israël le 7 octobre et emmenées à Gaza. Une trêve d'une semaine en novembre avait permis la libération de 105 otages et de 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël. Selon Israël, 132 otages sont toujours détenus à Gaza, dont 29 seraient morts.

La branche armée du Hamas a affirmé dimanche que deux otages étaient morts et huit autres avaient été gravement blessés dans des bombardements ces quatre derniers jours.

Des négociations, menées via une médiation du Qatar et de l'Egypte, sont en cours pour parvenir à une nouvelle trêve, plus longue, et de nouveaux échanges.

Face à la perspective d'une offensive majeure, la pression international s'accroît. Les Emirats arabes unis ont exprimé "leur profonde inquiétude" face aux "sérieuses répercussions humanitaires" d'un assaut israélien.

Le Qatar a "fermement condamné" les menaces d'Israël et l'Organisation de la coopération islamique (OCI) a dénoncé les "tentatives d'expulsion forcée du peuple palestinien de ses terres".

Le président iranien, Ebrahim Raïssi, a appelé dimanche à exclure Israël de l'ONU et dénoncé "un crime contre l'humanité".

A Rabat, des milliers de Marocains ont défilé en soutien au peuple palestinien.

Pour le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, une offensive à Rafah provoquerait "une catastrophe humanitaire indescriptible". La France a réitéré son appel à un "arrêt des combats" et mis en garde contre "une situation humanitaire catastrophique d'une nouvelle dimension et injustifiable".

Les Etats-Unis, principal allié d'Israël, ont durci le ton ces derniers jours. Le président Joe Biden a jugé "excessive" la "riposte" israélienne à l'attaque du Hamas.

- Les prix explosent -

Environ 1,7 million de personnes, d'après l'ONU, sur un total de 2,4 millions d'habitants, ont fui leur foyer depuis le 7 octobre, beaucoup d'entre elles déplacées plusieurs fois à travers le territoire dévasté, assiégé par Israël et plongé dans une crise humanitaire majeure.

Rafah, devenue un gigantesque campement, est le dernier centre urbain où l'armée n'a pas encore pénétré. L'aide humanitaire qui y arrive par l'Egypte est insuffisante pour nourrir la population qui voit les prix des denrées de base s'envoler.

"Comme si les bombardements, les tueries et les destructions ne suffisaient pas, les prix ont augmenté comme si on était en Europe", explique Abou Muhammad Rabie, 54 ans, qui tente d'acheter au marché de la nourriture pour sa famille de neuf personnes. "De toute façon nous mourrons, des bombes ou de la faim", lance-t-il.