Au Paraguay, un jugement symbole sur la dictature

L’ex policier Eusebio Torres, 87 ans, a été condamné par la justice paraguayenne, le 20 février, à 30 ans de prison pour des tortures commises en 1976 sous la dictature militaire. A cause de son âge, il n’ira pas en prison. Mais ce jugement sur les années noires du régime d’Alfredo Stroessner est très rare. Et les victimes n’ont pas manqué de souligner son importance.

Eusebio Torres participant par liaison vidéo à la reconstitution des crimes pour lesquels il a été condamné, le 20 février, à 30 ans de prison, au Paraguay. Photo : quelqu'un tient un smartphone diffusant une vidéo d'Eusebio Torres.
Eusebio Torres participant par liaison vidéo à la reconstitution des crimes pour lesquels il a été condamné, le 20 février, à 30 ans de prison, au Paraguay. © Norberto Duarte / AFP
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Un ex-policier de la dictature d'Alfredo Stroessner (1954-1989) au Paraguay a été condamné mardi à 30 ans de prison, une rare sentence pour cet épisode sombre du pays, mais échappera à l'incarcération en raison de son âge.

Eusebio Torres, 87 ans, a été condamné au terme de huit jours de procès à Asuncion, pour des cas de torture en 1976 sur des détenus, opposants ou présumés, parmi lesquels il était connu comme "Le Fouet", son outil favori "d'interrogatoire".

"Il a été prouvé qu'Eusebio Torres Romero a soumis les frères Carlos Ernesto et Luis Alberto Casco, ainsi que l'épouse du premier nommé (aujourd'hui décédée) Teresa Dejesús Aguilera de Casco à toutes sortes de tortures", a déclaré le juge Manuel Aguirre.

"Tous ceux qui étaient considérés comme des opposants au régime dictatorial ont été torturés dans tout le pays", a relevé le juge dans son énoncé. "C'est Torres qui dirigeait les interrogatoires des prisonniers au Service des Enquêtes de la Police (car) il était le seul policier titulaire d'un diplôme d'avocat".

Torres était jugé depuis son domicile d'Asuncion, sa condamnation en 2007 pour d'autres faits ayant été commuée en détention à domicile en raison déjà de son âge. Il n'ira pas en prison.

Pour autant, ses victimes et leurs proches, dont une vingtaine ont témoigné au procès, ont explosé de joie à l'énoncé de la condamnation.

"A vrai dire, on ne s'attendait pas à cette sentence exemplaire. Justice a été rendue", a déclaré, en pleurs, Carlos Casco, l'un des plaignants.

Torres niait, et plaidait que les témoins, "en 49 ans écoulés depuis leurs souffrances, ont pu me confondre, sont confus". "Ils m'ont confondu avec d'autres, ce qui justifierait ma relaxe, et que mon honneur ne soit pas affecté".

La dictature Stroessner a laissé en 35 ans un bilan de 59 exécutions extra-judiciaires, 336 disparus, quelque 20.000 détentions illégales, et 19.000 cas de torture. Soit, à l'échelle du petit Paraguay, "un habitant sur 133", soulignait la Commission Vérité et Justice dans son rapport en 2008.

Mais les condamnations ont été très rares (une dizaine de policiers), et Stroessner, condamné par contumace, est mort sans être inquiété en 2006 à 93 ans, depuis son exil doré au Brésil.

Plusieurs victimes ont dénoncé, en marge du procès, une protection de fait des acteurs de la dictature, alors que la vie politique du Paraguay reste dominée par le Parti colorado (conservateur), auquel appartenait Stroessner.

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