31.03.11 - CPI/ONG - AMNESTY SUGGERE DES PISTES POUR JUGER LES VIOLENCES SEXUELLES (ECLAIRAGE)

La Haye, 31 mars 2011 (FH) - Dans un rapport d'une cinquantaine de page publié début mars et intitulé « Viol et violence sexuelle », Amnesty International suggère aux juges de la Cour pénale internationale (CPI) des pistes d'interprétation pour juger les crimes de viols et de violences sexuelles. L'organisation semble ainsi conseiller les juges de l'affaire Bemba. Le sénateur congolais est accusé de  crimes contre l'humanité et crimes de guerre pour meurtres, viols et pillages commis par sa milice en Centrafrique, en 2002 et 2003. 

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Pour l'organisation de défense des droits de l'homme, la Cour devrait interpréter les éléments constitutifs de ces crimes en abordant « le comportement des auteurs et la façon dont cela affecte la capacité de la victime à (...) jouir de ses droits à l'intégrité physique et mentale et à l'autonomie sexuelle, sans discrimination. »

Pour Amnesty, le poids de la preuve apportée par le procureur concernant les charges de viols et de violences sexuelles doit être allégé dans certaines situations. « Une décision consensuelle est une décision prise sans l'usage de la force, la menace de la force, la coercition, ou tirant partie d'un environnement coercitif » écrit ainsi Amnesty qui estime, dès lors, que « quand des preuves de la force, de la menace de la force ou de la coercition sont présentes, il ne doit y avoir aucun élément de droit supplémentaire à prouver pour la poursuite ».

Amnesty International invite les juges à s'appuyer sur le droit international humanitaire et non sur le droit interne, dans lequel l'autonomie sexuelle est « fréquemment confondue avec une vue étroite du ‘consentement' » Ceci « ne permet pas de saisir la réalité de la façon dont le viol et les violences sexuelles sont commises, et cette incompréhension affecte la façon dont de tels actes sont traités dans les enquêtes criminelles, les poursuites et les jugements pénaux. » 

Pour Amnesty, en droit interne, l'absence de consentement n'est reconnue que si la résistance des victimes apparaît clairement. Amnesty propose que devant la CPI, le silence de la victime ou l'absence de résistance ne soient pas interprétés comme un consentement. Elle suggère aussi que l'usage de la force ne soit pas reconnu uniquement lorsque cette force est excessive ou constitue une menace à la  vie de la victime. Pour l'organisation, il importe avant tout de démontrer que l'environnement (la peur de la violence, la détention, l'oppression psychologique, l'abus de pouvoir, etc.) dans lequel ces crimes sont commis ôte toute forme de consentement.

Forte de ces suggestions, Amnesty International estime que les stratégies des avocats de la défense devraient ainsi être modifiées. « Au lieu d'être appelé à questionner directement si oui ou non la victime a consenti à un acte sexuel - question qui a fréquemment causé une angoisse extrême et une humiliation pour les témoins - les avocats devraient seulement poser des question sur les circonstance de cet acte, et le comportement de l'auteur, la façon dont était touchée la victime, si elle était en mesure de prendre des décisions sur les actes en question. »

Amnesty propose aussi de rejeter les préjugés entourant les viols, comme les allégations de responsabilité partagée lorsque par exemple la victime se promène tard dans la nuit, ou les allégations de fausses accusations. Demander des témoignages est souvent difficile note l'organisation, qui affirme que ces crimes sont souvent commis loin du regard d'autrui. Elle ajoute qu'il est aussi souvent impossible, pour une victime, de réaliser un examen médical dans de bonnes conditions.

S'appuyant encore sur l'affaire Bemba, l'organisation estime enfin que le procureur doit pouvoir qualifier les faits de deux manières, à la fois comme viol et comme torture, ce que les juges de la chambre de mise en état avaient refusé dans cette affaire, ne retenant que les seuls actes de viols.

SM/GF

© Agence Hirondelle