18.04.11 - CPI/KENYA - LE PROCUREUR DEMANDE DES GARANTIES AVANT DE DIVULGUER SES PREUVES

La Haye, 18 avril 2011 (FH) - La Cour pénale internationale (CPI) a tenu une conférence de mise en état dans les affaires Ruto et Kenyatta, lundi 18 avril, pour préparer les audiences de confirmation des charges qui débuteront respectivement les 1er et 21 septembre.

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Le procureur a séparé en deux affaires les poursuites engagées contre les responsables présumés des violences qui avaient suivi l'élection présidentielle de décembre 2007. La première rassemble les membres de l'ancienne opposition, le Mouvement démocratique orange (ODM) et la seconde, des responsables du Parti national unifié, alors au pouvoir. Les violences avaient pris fin en février 2008 avec la mise en place d'un gouvernement d'union.

Lors des audiences de confirmation des charges contre William Ruto, actuel ministre de l'Enseignement supérieur, Henry Kosgey, président du Mouvement démocratique orange et Joshua Sang, journaliste à Kass FM, le procureur a annoncé qu'il présenterait dix témoins et la défense, au moins trente témoins.

Dans la seconde affaire, qui rassemble Uhuru Kenyatta, vice-Premier ministre du Kenya, le général Hussein Ali, ancien chef de la police et Francis Muthaura, chef de Cabinet de la présidence, le procureur appellera

aussi dix témoins. Pour l'instant, les avocats de la défense ne se sont pas prononcés sur le nombre de leurs témoins. Ils demandent à connaître les preuves retenues contre leurs clients. Ainsi, maître Steven Kay,

défenseur d'Uhuru Kenyatta, a reproché au procureur de n'avoir « divulgué que quelques cartes, dont nous n'avions vraiment pas besoin. Nous devons voir quelle est la teneur de l'affaire en question » a-t-il ajouté.

Le procureur a estimé qu'il ne pourra divulguer ses pièces à conviction qu'après la décision des juges sur la requête en irrecevabilité déposée par la République du Kenya. Nairobi demande en effet à la Cour de lui

renvoyer l'affaire, estimant être en mesure de juger devant ses tribunaux les responsables des violences qui avaient fait plus de 1200 morts et 300 000 déplacés. Le procureur a aussi demandé à ne divulguer ses pièces qu'après la prise de mesures de protection supplémentaires en faveur des témoins.

« C'est un point décisif », a déclaré le substitut du procureur, Adesola Adeboyejo, soulignant cependant « les limites de ce que nous pouvons faire pour la protection des personnes qui restent dans le pays, compte tenu du fait que les suspects sont encore au pouvoir ». Le procureur espère obtenir l'autorisation d'expurger « largement » les pièces qui seront transmises à la défense, ce que la défense critique avec véhémence.

Si l'avocat de William Ruto, maître David Hooper, a reconnu « que dans certains cas, un témoin peut avoir besoin de mesures de protection, nous ne perdons pas de vue, notamment dans le contexte africain, que les mesures de relocalisation sont éventuellement une incitation à de faux témoignages. »

Reprochant aux juges de s'être appuyés sur des articles de presse pour mettre en garde les suspects contre tout discours entravant le cours de la justice, maître Karim Khan, avocat de Francis Muthaura, a déclaré que « ces personnes servent la République du Kenya depuis des dizaines d'années » et estimé qu' « il ne faut pas mettre en cause, non seulement leur innocence, mais jeter l'opprobre à l'occasion de ces procédures». Reprochant au procureur ses « déclarations extra judiciaires », contre lesquelles il a déposé une requête, il a affirmé que son client « n'a  pas parlé à la presse, et s'est comporté d'une façon qui devrait servir d'exemple à monsieur Ocampo et à l'accusation. Leurs méthodes sont inacceptables et nous vous demandons d'y mettre un terme. » La juge Ekaterina Trendafilova a annoncé une future décision sur ce point.

A la clôture de l'audience, la juge bulgare a invité les avocats portant une perruque, une tradition de Common Law respectée au Kenya, à s'adapter à la Cour. « Avec le temps qui se réchauffe, a-t-elle déclaré, je suis sur qu'il serait mieux de ne pas venir avec les perruques, car cela ne correspond pas à nos outumes ».

SM/GF

© Agence Hirondelle