12.05.11 - CPI/KATANGA - LES PAYS-BAS REJETTENT LES DEMANDES D’ASILE DEPOSEES PAR DES TEMOINS

La Haye, 12 mai 2011 (FH) - Les Pays-Bas ont estimé que « la législation néerlandaise sur l'immigration ne sera pas applicable » aux trois témoins appelés devant la Cour pénale internationale (CPI) par la défense de Germain Katanga. Au cours de leurs dépositions en avril, Floribert Njabu, Pierre Mbodina et Charif Manda avaient demandé l'asile politique aux Pays-Bas, où siège la Cour. Si la CPI n'est pas compétente pour traiter d'affaires d'immigration, elle a en revanche l'obligation de protéger les témoins. Or les trois hommes se disent menacés.

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Floribert Njabu et Pierre Mbodina sont détenus sans procès à la prison centrale de Kinshasa depuis 2005. Charif Banda a été arrêté en septembre 2010. Au cours de leurs dépositions, les trois opposants au régime du président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, ont évoqué la responsabilité de Kinshasa dans les crimes commis en Ituri en 2002 et 2003.

Lors de l'audience du 12 mai, à laquelle étaient conviées les autorités néerlandaises, l'avocat des trois témoins, Ghislain Mabanga, a estimé que leur retour à Kinshasa les mettrait alors à « la merci des autorités congolaises contre lesquelles ils ont témoigné ». Dès lors, il demande à la chambre de leur accorder des mesures de protection spéciales « en refusant de renvoyer ces témoins chez eux, où ils risquent la mort et où ils n'auront pas de procès équitables », puis en acceptant de les remettre aux autorités néerlandaises, devant lesquelles ils prévoient de déposer formellement leurs demandes d'asile.

Mais pour les Pays-Bas, où réside la Cour, ces témoins ne dépendent pas des juridictions néerlandaises. Conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, Liesbeth Lijnzaad a renvoyé la décision aux juges de la CPI. « Les Pays-Bas étudieront toute demande d'asile, a-t-elle déclaré, mais en se conformant à l'avis de la Cour. Vous connaissez le terrain, vous connaissez le cas, la situation politique et tous les faits importants pour ces trois personnes. »

« La Cour n'a pas de territoire, elle ne peut garder personne chez elle », a expliqué, toujours pédagogue, Bruno Cotte.

« Si vous décidez que pour l'instant, dans les conditions actuelles, il n'est pas approprié de renvoyer ces trois personnes en République démocratique du Congo, alors la Cour devra trouver une solution avec les 114 Etats-parties au traité de Rome » a proposé Liesbeth Lijnzaad.

L'affaire pourrait donc être un véritable casse-tête diplomatique pour la chambre. Mais pour le substitut du procureur, Eric MacDonald, les juges peuvent « avoir la conscience tranquille ».

« Vous pouvez renvoyer les trois détenus [à Kinshasa] sans aucune crainte pour leur sécurité physique » a-t-il affirmé. Critiquant les allégations de l'avocat des trois détenus, qui a rappelé que selon ses clients, « ce sont les autorités congolaises qui (...) ont planifié l'attaque de Bogoro parce qu'elles voulaient reprendre l'Ituri », Eric Mac Donald a défendu Kinshasa, avant de saluer la « coopération sans limites » de la RDC avec la Cour, oubliant au passage la non exécution du mandat d'arrêt émis en 2006 contre Bosco Ntaganda.

Plus mesuré, un autre représentant du procureur, Gilles Dutertre, a alerté les juges sur le fait que « d'autres témoins pourraient faire une demande d'asile (...) cela aurait pour conséquence que plus jamais dans l'avenir, la Cour n'obtiendrait l'accord d'un Etat pour le transfert d'un témoin détenu ». La chambre n'a pas encore rendu de décision.

Le procès de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo s'est ouvert le 24 novembre 2009, devant la CPI. L'ancien commandant de la Force de résistance patriotique de l'Ituri (FPRI) et le milicien du Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI) sont poursuivis pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis à Bogoro le 24 février 2003.

SM/GF

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