24.05.11 - CPI/COOPERATION - LES RETOMBEES DU « PRINTEMPS ARABE » SUR LA CPI

La Haye, 24 mai 2011 (FH) - Le Qatar a ouvert une conférence diplomatique sur la Cour pénale internationale (CPI), organisée en coopération avec la Ligue arabe et la CPI, mardi et mercredi. Lors de l'ouverture de la conférence à Doha, mardi matin, le président de la Cour, Sang-Hyun Song, a rappelé qu' « alors que le système du Statut de Rome devient de plus en plus l'instrument mondial de répression des crimes atroces, les Etats arabes restent gravement sous représentés à la CPI. » La Jordanie est le seul Etat du Moyen-Orient à avoir ratifié le traité de la Cour et, au sein de la Ligue arabe, seuls deux autres Etats, les Comores et Djibouti, l'ont fait.   

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Initialement prévue en décembre, cette conférence avait été reportée à plusieurs reprises, notamment en raison de l'opposition du Soudan. Le chef d'Etat soudanais, Omar Al-Bachir, fait l'objet de deux mandats d'arrêt pour génocide et crimes contre l'humanité commis au Darfour. Mais « suite aux  développements survenus dans la région au cours des derniers mois, il a finalement été décidé de tenir cette conférence », explique Amal Nassar, représentante de la Coalition pour la Cour pénale internationale (CICC) pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.

A l'ouverture de la conférence, le président sud-coréen de la Cour a tenté de rassuré, expliquant que « la CPI ne pose pas de menaces à la souveraineté de l'Etat - au contraire, la Cour a été créée par des Etats-nations, est gouvernée par les Etats ; et la seule façon d'amender le Statut de Rome est par une décision des Etats ».

Il a enfin salué les engagements de la Tunisie et de l'Egypte en faveur de la ratification du traité de Rome, auquel 115 Etats sont aujourd'hui parties. Les révoltes arabes ont ouvert une nouvelle page pour la Cour. La « révolution de Jasmin », qui a démarré le 17 décembre et a pris fin le 14 janvier avec la fuite en Arabie Saoudite du chef de l'Etat tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, s'est soldée par 300 morts et 700 blessés, selon le rapporteur de l'Onu sur la torture. Le 3 février 2011, le gouvernement de transition prenait la décision de ratifier le traité de la CPI. «Il ne reste plus à la Tunisie qu'à déposer les instruments de ratification à New York », affirme Amal Nassar.

La chute d'Hosni Moubarak en Egypte, le 11 février, a aussi vu fleurir les déclarations en faveur de la Cour. Ancien juge à la Cour internationale de Justice (CIJ, distincte de la CPI), le nouveau ministre  égyptien des Affaires étrangères, Nabil Al-Arabi, avait annoncé en avril que son pays allait ratifier le traité de Rome. Mais depuis, le ministre a aussi été désigné comme Secrétaire général de la Ligue arabe. Or l'organisation régionale avait fermement critiqué les mandats d'arrêt émis par la Cour contre le président soudanais. Par ailleurs, l'Egypte entretient des liens politiques importants avec le Soudan. Deux éléments qui pourraient mettre un bémol aux déclarations récentes du ministre. « Pour l'instant, l'Egypte patiente », estime Amal Nassar. Le 24 mars, Luis Moreno Ocampo s'était rendu en Egypte et, selon la presse égyptienne, Le Caire lui avait proposé d'ouvrir sa frontière aux enquêteurs de la Cour dans le cadre de son enquête en Libye.   

Plusieurs Etats de la Ligue arabe ont, par le passé, refusé de ratifier le traité de la Cour tant que la définition du crime d'agression n'était pas adoptée. La Cour est compétente pour poursuivre les responsables de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes d'agression, mais ce dernier point reste à ce jour théorique. Jusqu'à la conférence de révision du Statut de Rome, en juin 2010, l'agression n'était, en effet, pas juridiquement définie. Si les Etats ont adopté, à cette occasion, un texte commun, ils ne sont en revanche pas parvenus à s'entendre sur les modalités de saisine du procureur en cas d'agression.

Deux situations au Moyen-Orient ont fait l'objet d'analyses [étape précédant l'ouverture d'une enquête] par le procureur. Sur l'Irak, le procureur avait estimé ne pas être compétent car Bagdad n'a pas ratifié le Statut. Il avait précisé par ailleurs que le caractère des crimes commis par les soldats canadiens et britanniques de la coalition, conduite par les Etats-Unis, relevaient des tribunaux nationaux. Par ailleurs, l'autorité palestinienne a accepté la compétence de la Cour [dont elle n'a pas ratifié le traité, n'étant pas un Etat] en janvier 2009, demandant au procureur d'enquêter sur la guerre de 2006. Pour l'instant, aucune décision n'a été prise.

  

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