TotalEnergies, un géant sous pression judiciaire

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"Climaticide", "greenwashing", atteintes aux droits humains... Le géant pétrolier français TotalEnergies est sous le coup de plusieurs procédures judiciaires lancées par des ONG sur des sujets climatiques, environnementaux et sociaux, dont certaines ont été rejetées. Le point sur les principales affaires.

- Une nouvelle plainte sur le climat et la biodiversité -

C'est la dernière action judiciaire en date: mardi, trois ONG (Bloom, Alliance Santé Planétaire, Nuestro Futuro) et huit personnes s'estimant victimes du changement climatique ont déposé plainte au pôle santé publique et environnement du tribunal de Paris pour demander une enquête pénale contre TotalEnergies, ses dirigeants et ses actionnaires.

La plainte, dont le parquet devra évaluer le sérieux, vise à faire reconnaître la responsabilité du groupe pétrolier et ses hauts dirigeants "pour leur contribution au changement climatique et son impact fatal sur les vies humaines et non humaines" du fait de la poursuite d'activités dans les énergies fossiles.

- La sécurité en question au Mozambique -

Une plainte a été déposée en octobre 2023 pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger contre TotalEnergies par des survivants ou familles de victimes de la sanglante attaque jihadiste de Palma (Mozambique) en mars 2021.

Après avoir recueilli les observations de TotalEnergies, qui menait un méga-projet gazier dans la région et est accusé de négligences dans l'évaluation des risques sécuritaires, et celles des plaignants, le parquet appréciera "l'opportunité d'une poursuite, d'un classement ou d'investigations plus poussées", indiquait-il début mai.

- Accusations de pollution pétrolière au Yemen -

En janvier 2024, une cinquantaine de ressortissants yéménites ont assigné en référé TotalEnergies devant le tribunal judiciaire de Nanterre en l'accusant de polluer les terres et les eaux d'une région désertique de l'Hadramaout, où le groupe exploite des puits pétroliers depuis les années 1990.

- Le projet pétrolier Eacop-Tilenga attaqué sur 2 fronts -

Le projet pétrolier le plus contesté est le forage "Tilenga", 419 puits en Ouganda, dont un tiers dans le parc naturel des Murchison Falls, associé au EACOP (East African Crude Oil Pipeline), le plus long oléoduc chauffé au monde, destiné à transporter les hydrocarbures de Tilenga jusqu'à l'Océan indien en traversant la Tanzanie sur 1.445 km.

Vingt-six Ougandais et cinq associations françaises et ougandaises (AFIEGO, les Amis de la Terre France, NAPE/Amis de la Terre Ouganda, Survie et TASHA Research Institute) ont lancé en juin 2023 une action civile pour demander "réparation" devant le tribunal de Paris de divers préjudices: expropriations abusives, compensations insuffisantes, harcèlement...

Les associations Darwin Climax Coalitions, Sea Shepherd France, Wild Legal et Stop EACOP-Stop Total en Ouganda ont également déposé en septembre à Nanterre une plainte au pénal, qui est, selon elles, "inédite" car elle assigne TotalEnergies "devant le juge pénal pour des faits s'apparentant à un climaticide".

- "Greenwashing" -

Trois ONG - Greenpeace France, les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous - ont assigné au civil en mars 2022 TotalEnergies pour "pratiques commerciales trompeuses", mettant en cause son ambition de neutralité carbone d'ici à 2050 et la présentation du gaz comme l'énergie fossile "la plus propre".

Une enquête pénale a par ailleurs été ouverte par le parquet de Nanterre en 2021 pour "pratiques commerciales trompeuses", après la plainte en 2020 de plusieurs associations de défense de l'environnement (Wild Legal, Sea Shepherd France et Darwin Climax Coalitions) accusant le groupe d'afficher une stratégie climatique de neutralité carbone, en contradiction selon elles avec la continuité de ses projets d'énergies fossiles.

- Devoir de vigilance: des assignations jugées "irrecevables" -

Au nom d'une loi sur le "devoir de vigilance", les Amis de la Terre, Survie et quatre associations ougandaises réclamant la suspension des projets Tilenga et EACOP avaient assigné TotalEnergies en 2019, une procédure jugée irrecevable début 2023. C'est après cet échec que les associations ont entamé la nouvelle procédure en réparation.

Au nom de cette même loi, une coalition de six ONG et 16 collectivités, dont Paris et New York, avait accusé en 2020 l'entreprise d'"inaction climatique", une assignation également jugée irrecevable en juillet 2023.

Dans les deux cas, la justice a estimé que les plaignants n'avaient pas suffisamment exploré la voie du dialogue avec le géant pétrolier avant de saisir la justice, comme le prévoit la loi.

- Une plainte pour complicité de crimes de guerre russes en Ukraine rejetée -

Deux associations (l'ONG bordelaise Darwin Climax Coalition et l'ukrainienne Razom We Stand) reprochant à TotalEnergies d'avoir continué à exploiter un gisement en Russie après le début de la guerre en Ukraine, ce qui aurait permis de fabriquer du carburant utilisé par l'aviation militaire russe, ont porté plainte pour complicité de crimes de guerre russes en Ukraine. La justice l'a déclarée irrecevable pour des raisons de procédure en octobre 2023, après un premier recours déjà écarté en 2022.

bur-nal/ico/abx

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