Dans sa décision de lundi, le tribunal de Nantes "enjoint au ministre de l'Intérieur (...) de réexaminer le recours de M. Kabiligi et de prendre une nouvelle décision dans [un] délai d'un mois".
Le même jour, la nouvelle présidente du TPIR avait lancé un appel aux États à accueillir les personnes acquittées par sa juridiction. Faute d'avoir trouvé un pays d'accueil, Gratien Kabiligi et deux autres anciens suspects innocentés vivent depuis des années dans une résidence protégée par les Nations unies, à Arusha.
Le plus ancien d'entre eux, l'ancien ministre des Transports André Ntagerura, a été acquitté il y a sept ans.
"Dans le mois qui vient, Gratien Kabiligi devrait avoir son visa, estime son avocat français, Alexandre Varaut. Si vous ajoutez la déclaration de la présidente du TPIR à la décision du tribunal de Nantes, qui indique très clairement quel est le droit, je ne vois pas le ministère de l'Intérieur s'engager dans un bras de fer."
"M. Kabiligi n'aspire qu'à retrouver sa famille, il n'a l'intention ni de polémiquer ni de s'engager dans une quelconque activité politique en venant en France, assure l'avocat, qui a annoncé mercredi par téléphone la décision à son client. Il en a soupé des ennuis et de la justice, et je crois que tant que la porte de l'avion ne se sera pas refermée, il aura du mal à y croire."
Arrivée en France en juin 2008 avec leurs deux filles, sa femme y a obtenu la nationalité.
Le 18 novembre 2010, l'ambassade de France avait refusé de délivrer un visa à Gratien Kabiligi. Un refus confirmé le 24 février 2011 par la Commission des recours de refus de visas, au motif qu'il représenterait "une menace pour l'ordre public".
Le tribunal administratif indique que le ministre des Affaires étrangères français avait argué "que la venue de M. Kabiligi en France renforcerait aux yeux des autorités rwandaises le fait que cette dernière héberge des 'présumés génocidaires' et la diaspora du 'Hutu power' ce qui affecterait les relations diplomatiques avec le Rwanda".
Cette venue pourrait aussi "troubler" la communauté rwandaise de France, selon le ministère des Affaires étrangères.
Les juges nantais considèrent pour leur part "que l'intéressé se maintient en Tanzanie dans des conditions extrêmement précaires et que la décision attaquée le prive de tout contact avec sa famille" et qu'il y a donc "urgence" à faire exécuter leur décision.
Ils estiment par ailleurs qu'il y a "un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée" par Me Varaut, au regard de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Convention internationale des droits de l'enfant de New York.
Arrêté en 1997, Gratien Kabiligi a été remis au Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui l'a acquitté le 18 décembre 2008. Le procureur du TPIR n'avait pas fait appel de cette décision.
Le procès de Gratien Kabiligi s'était ouvert en avril 2002, avec celui de trois autres officiers de de l'ancienne armée rwandaise, parmi lesquels l'ancien directeur de cabinet au ministère de la Défense, le colonel Théoneste Bagosora.
Deux autres acquittés du TPIR, les anciens maires Ignace Bagilishema et Jean Mpambara, ont été déjà été accueillis par la France.
FP/GF
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