10.06.11 - CPI/KATANGA - LES TEMOINS DEMANDEURS D'ASILE RESTERONT PROVISOIREMENT AUX PAYS-BAS

La Haye, 10 juin 2011 (FH) - Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont décidé de ne pas renvoyer vers Kinshasa les trois témoins qui ont demandé l'asile politique aux Pays-Bas. Ils estiment que « la question de leur protection » n'a pu être encore résolue et qu'un retour sans délai, tel qu'imposé par le règlement de la Cour, « ne pourrait que s'analyser comme une violation des droits de l'homme internationalement reconnus ».

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Floribert Njabu, Pierre Mbodina et Charif Banda avaient témoigné, au mois d'avril, en faveur de Germain Katanga, poursuivi pour crimes contre l'humanité. Au terme de leur déposition, les trois témoins auraient dû être renvoyés à la prison centrale de Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), où ils sont incarcérés depuis de nombreuses années sans avoir été jugés. Les trois témoins, qui, au cours de leur déposition avaient notamment accusé Kinshasa pour son rôle dans la guerre en Ituri, ont ensuite demandé l'asile politique aux Pays-Bas.

Pour les trois magistrats, si les témoins devaient être renvoyés à Kinshasa, ils se trouveraient « dans l'impossibilité d'exercer leur droit de demander l'asile ». Les juges refusent cependant de poser tout diagnostic sur la situation des droits de l'homme en RDC. Ils précisent donc qu'ils ont le devoir de protéger les témoins dans le cadre de leur coopération, mais n'ont pas, en revanche, à les protéger des risques « qui seraient liés à la méconnaissance de droits de l'homme par les autorités de leur pays d'origine. »

Les juges précisent que le Statut « ne fait pas obligation à la Cour de veiller à la bonne application par les Etats parties et dans le cadre de leurs procédures nationales, des droits de l'homme internationalement reconnus ».

Les juges ajoutent en outre qu'ils ne sont pas tenus « d'évaluer les risques de persécution encourus par des témoins demandeurs d'asile. » Début mai, les autorités néerlandaises avaient expliqué qu'elles ne procéderaient pas à une évaluation des risques encourus par les trois hommes et qu'elles se baseraient sur celle réalisée par la chambre pour étudier les demandes d'asile. Mais les juges rappellent qu'ils ne sont pas compétents pour évaluer des critères relatifs aux demandes d'asile et que par ailleurs, la Cour n'est pas un territoire. Il reviendra donc à la justice néerlandaise de se prononcer sur le fond des trois demandes, ce que La Haye souhaitait éviter.   

La décision rendue par la chambre ne porte pour l'instant que sur le séjour des trois témoins. Les juges Bruno Cotte, Fatoumata Diarra et Christine Van Den Wyngaert doivent encore se prononcer sur les mesures de protection nécessaires. Ces mesures pourraient impliquer que les trois témoins ne soient pas renvoyés au Congo. Or pour l'instant, des désaccords entre l'Unité de protection des témoins et l'avocat des trois hommes, Ghislain Mabanga, ne leur ont pas permis de se prononcer.

Les juges ont enfin demandé au Greffe de permettre aux avocats néerlandais, chargés de plaider les demandes d'asile devant la justice néerlandaise, de rencontrer leurs clients détenus dans la prison de la CPI. Selon un accord passé entre le Greffe et les autorités congolaises avant la venue des accusés à La Haye, la Cour devait assumer la responsabilité de la logistique, « mais les contacts téléphoniques avec leur famille ou tout autre personne devrait être adressée aux autorités congolaises ». Les juges estiment que « cette situation ne saurait perdurer dans le cadre de la procédure d'asile désormais introduite devant les autorités néerlandaises. »

Ils précisent encore que la Cour « doit appliquer les textes (...) d'une manière qui soit compatible avec les droits de l'homme internationalement reconnus et exempte de toute discrimination. L'accès au juge de l'asile, qui, une nouvelle fois, relève incontestablement desdits droits de l'homme, ne saurait se concevoir sans que les demandeurs d'asile puissent s'entretenir et correspondre avec les avocats qu'ils ont choisis ».

Le procès de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo, deux anciens commandants de milice de l'Ituri, s'est ouvert le 24 novembre 2009.

SM/GF

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