La CIJ ordonne à Israël de stopper "immédiatement" ses opérations militaires à Rafah

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La plus haute juridiction de l'ONU a ordonné vendredi à Israël de suspendre ses opérations militaires à Rafah, une décision susceptible d'accroître la pression internationale sur le pays, plus de sept mois après le début de la guerre à Gaza déclenchée par l'attaque du Hamas le 7 octobre.

La Cour internationale de Justice (CIJ) --dont les décisions sont juridiquement contraignantes mais manque de mécanismes pour leur mise en oeuvre--, a également ordonné à Israël de maintenir ouvert le passage de Rafah entre l'Egypte et Gaza, qu'il a fermé après le lancement de son opération terrestre dans la ville début mai.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a fait valoir que les décisions de la CIJ étaient "contraignantes" et doivent être "dûment" respectées, a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric.

Israël s'est défendu en affirmant qu'il "n'a pas mené et ne mènera pas d'opérations militaires dans la zone de Rafah qui créent des conditions de vie susceptibles de conduire à la destruction de la population civile palestinienne, en tout ou en partie", selon un communiqué commun du ministère des Affaires étrangères et du Conseil de la sécurité nationale.

Le Hamas a salué la décision de la CIJ tout en déplorant qu'elle se limite "seulement à Rafah".

Saisie par l'Afrique du Sud qui accuse Israël de "génocide", la Cour ordonne aussi à Israël de "maintenir ouvert le terminal de Rafah pour permettre la fourniture sans entrave et à grande échelle des services de base et de l'aide humanitaire dont il a un besoin urgent".

La CIJ, basée à La Haye, réclame également la "libération immédiate et inconditionnelle" des otages retenus à Gaza.

Sur le terrain, des avions de guerre israéliens ont survolé dans la nuit Gaza-ville (nord), où des tirs ont été entendus, a constaté l'AFP. L'armée a fait état de tirs de mortiers sur des soldats dans le centre.

Lors d'une opération israélienne, trois corps d'otages tués le 7 octobre puis emmenés dans la bande de Gaza ont été récupérés dans la nuit à Jabalia, dans le nord du territoire palestinien.

L'armée a indiqué vendredi y poursuivre ses opérations, notamment dans le camp de déplacés éponyme, réduit à un champ de ruines.

- Situation humanitaire alarmante -

La situation sécuritaire et humanitaire dans le territoire demeure alarmante.

"J'ai vu ma soeur et son mari gisant morts l'un à côté de l'autre", a raconté à l'AFPTV Ammar Abou Ghaben, un déplacé palestinien, après que plusieurs membres de sa famille ont été tués dans une attaque de navires de guerre israéliens sur la côte.

A Jabalia, l'hôpital Kamal Adwan est "hors service et 14 membres du personnel médical sont piégés à l'intérieur", selon une source médicale de l'établissement.

L'hôpital Al-Ahli Arab, à Gaza-ville, a dénombré sept morts.

La communauté internationale doit "fournir 50.000 litres de carburant (...) dans les prochaines heures afin d'éviter une catastrophe humanitaire et sanitaire", a appelé un responsable de l'hôpital Al-Aqsa, à Deir al-Balah (centre).

L'armée israélienne a lancé le 7 mai des opérations au sol à Rafah, avec l'objectif affiché d'y anéantir les derniers bataillons du Hamas et sauver les otages, malgré les mises en garde internationales sur le sort des civils. Quelque 800.000 personnes ont fui, d'après l'ONU.

- "Nouvel antisémitisme" -

La guerre a débuté le 7 octobre après l'attaque sur le sol israélien de commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza, entraînant la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.

Ce jour-là, 252 personnes ont également été emmenées comme otages dans le territoire palestinien. Aujourd'hui, 121 sont toujours retenues à Gaza, dont 37 sont mortes, selon l'armée.

En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive dévastatrice dans la bande de Gaza, où le Hamas, classé organisation terroriste par Israël, l'Union européenne et les Etats-Unis notamment, a pris le pouvoir en 2007.

Au moins 35.800 Palestiniens, essentiellement des civils, ont été tués, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Après plus de 230 jours de guerre, la pression est de plus en plus forte sur Israël.

Des Israéliens se sont rassemblés vendredi matin devant le consulat américain à Jérusalem, portant des banderoles appelant à "libérer Gaza", d'après un photographe de l'AFP.

Plus tôt cette semaine, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) avait demandé l'émission de mandats d'arrêt pour des crimes présumés commis dans la bande de Gaza et en Israël contre des dirigeants du Hamas et israéliens, parmi lesquels Benjamin Netanyahu.

Cette décision a provoqué des réactions véhémentes en Israël, M. Netanyahu affirmant la "rejeter avec dégoût" et parlant d'un "nouvel antisémitisme".

- Pourparlers pour une trêve à Paris -

Sur un autre volet diplomatique, Israël a sanctionné Madrid deux jours après l'annonce de l'Espagne, l'Irlande et la Norvège de reconnaître l'Etat de Palestine. Le ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, a annoncé vendredi avoir "décidé de couper le lien" entre le consulat d'Espagne à Jérusalem et les Palestiniens.

La veille, le ministère avait prévenu que la décision de ces trois pays rendrait "plus difficile la promotion d'un accord pour la libération des otages".

Le cabinet de guerre a néanmoins ordonné aux négociateurs israéliens de "retourner à la table des négociations pour obtenir le retour des otages", selon un haut responsable.

Début mai, des négociations indirectes entre Israël et le Hamas, par l'entremise du Qatar, de l'Egypte et des Etats-Unis, n'avaient pas abouti à un accord de trêve associée à la libération d'otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Le chef de la CIA, William Burns, est attendu à Paris vendredi ou samedi pour tenter de relancer les pourparlers sur une trêve à Gaza, a appris l'AFP de source occidentale proche du dossier.

Le président français Emmanuel Macron recevra vendredi soir le Premier ministre et chef de la diplomatie du Qatar ainsi que les ministres des Affaires étrangères saoudien, égyptien et jordanien, "pour faire pression en faveur d'un cessez-le-feu", selon Le Caire.

burx-cn/hme

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