12.07.11 - TPIR/PROCES - L'ACCUSATION SOUPCONNE DES LIENS CRIMINELS ENTRE LE GENDRE ET SON BEAU-PERE

Arusha, 12 juillet 2011 (FH) - A lire les allégations portées contre eux, il y aurait plus que des relations familiales entre l’ex-ministre du Plan Augustin Ngirabatware, qui présente sa défense et son beau-père Félicien Kabuga, le plus célèbre des neuf inculpés du TPIR encore en fuite. Le procureur suggère l’existence de liens criminels entre le brillant économiste diplômé de l’Université de Fribourg en Suisse et le fils de cultivateurs parti de rien pour bâtir la plus grosse fortune de son pays en son temps.Triste ironie du sort, l’homme d’affaires et son gendre sont les seuls à l’affiche du tribunal depuis quatre semaines.

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Détenu
par le TPIR depuis le 8 octobre 2008, l’ancien membre du gouvernement
cite ses témoins tandis que dans le dossier de son parent par alliance
encore en fuite, le tribunal recueille des « dépositions spéciales »,
une procédure visant à préserver des éléments de preuve.

L’acte
d’accusation contre l’ex-ministre souligne, à la première page, sa
filiation avec l’homme d’affaires. « Un éminent universitaire ayant
acquis une grande influence au Rwanda et en particulier dans la
préfecture de Gisenyi (nord), du fait de sa longue permanence à la tête
d’un ministère clé où se brassaient des fonds importants et de son
statut de beau-fils de Félicien Kabuga, lui-même homme d’affaires
prospère, allié au président Juvénal Habyarimana », dit, de
l’ex-dirigeant, ce texte daté du 13 avril 2009.

L’un
et l’autre sont poursuivis pour entente en vue de commettre le
génocide, génocide ou alternativement complicité de génocide, incitation
directe et publique à commettre le génocide et crimes contre
l’humanité.

Le
procureur allègue notamment que Ngirabatware, Kabuga, un officier
supérieur de l’armée et d’autres personnalités « ont tenu une réunion en
mars 1994 au domicile (d’un certain) Gerson Nzabahiranya, dans la
commune Nyamyumba (commune d’origine de l’ex-ministre), lors de laquelle
il a été convenu que les Tutsis étaient l’ennemi et qu’il fallait les
identifier, les arrêter et les tuer ».

Les
deux hommes étaient membres influents du MRND, le parti de
l’ex-président Juvénal Habyarimana, dont les principaux responsables se
seraient entendus, selon l’accusation, pour éliminer les Tutsis, dans le
cadre d’une entreprise criminelle commune. Kabuga et Ngirabatware sont
donc accusés d’avoir apporté différentes formes d’appui aux miliciens
Interahamwe, principaux bras armés du génocide.

Le
beau-père aurait ainsi, dans le cadre de ce présumé dessein commun,
présidé le 25 avril 1994 à l’Hôtel Méridien à Gisenyi, une réunion qui a
décidé de mettre en place « le Fonds de défense nationale (FDN) en vue
de collecter l’argent pour un appui financier et logistique aux
Interhamwe », selon l’acte d’accusation contre l’homme d’affaires, daté
du 1er octobre 2004.

«
Entre le 25 avril et juillet 1994, Félicien Kabuga a collecté et
sollicité des fonds » pour permettre aux miliciens de son parti de «
d’attaquer, tuer ou porter des atteintes graves à l’intégrité physique
ou mentale de membres du groupe ethnique tutsi », soutient le procureur
dans cet acte d’accusation.

Dans
son long témoignage pour sa propre défense, l’ex-ministre a réfuté
toutes les allégations portées contre lui.  Pour sa part, Kabuga qui,
selon le bureau du procureur, mènerait des affaires toujours
florissantes au Kenya, ne s’est pas encore exprimé. Et Me Bahame
Nyanduga, l’avocat de permanence tanzanien qui représente les intérêts
du « gros poisson » pour le recueil des « dépositions spéciales » n’est
nullement outillé pour parler au nom d’un accusé qui ne l’a pas mandaté
et qu’il ne connaît que par la presse et les documents du TPIR.  

Mais la fille aînée du fugitif, Angélique Kabuga, qui n’est pas sous le coup d’un mandat du TPIR, a réagi sur le site www.comite-kabuga.net.
Pour elle, son père est poursuivi  « parce qu’il avait fait fortune et
que sa famille avait noué des liens familiaux avec celle du président
Habyarimana». 

Ce
tandem allégué Kabuga-Ndirabatware n’est pas sans rappeler deux autres
binômes familiaux devant le TPIR : l’ex-ministre de la Famille Pauline
Nyiramahuko et son fils Arsène Shalom Ntahobari, tous deux condamnés le
24 juin à la perpétuité mais qui vont jouer leur dernière carte devant
la chambre d’appel. Et puis les deux Ntakirutimana. Le père, Elizaphan ,
un pasteur adventiste, est décédé en janvier 2007 d’une mort naturelle
après avoir terminé sa peine tandis que le fils, Gérard, un médecin,
purge encore ses 25 ans de réclusion.

Avec la différence que Kabuga et son gendre sont encore présumés innocents.

  

ER/GF

 

© Agence Hirondelle