26.08.11 - CPI/LUBANGA - SELON LA DEFENSE, LE PROCUREUR A ETE INSTRUMENTALISE PAR KINSHASA

La Haye, 26 août 2011 (FH) - Après les arguments du procureur et des représentants des victimes, la défense de Thomas Lubanga a prononcé, vendredi 26 août, ses conclusions finales. L'ancien président de l'Union des patriotes congolais (UPC) est accusé de crimes de guerre pour avoir enrôlé des enfants de moins de 15 ans dans ses troupes.

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Selon la défense, l'intégralité du dossier du procureur est « gangrené » par l'existence d' «une entreprise de manipulation » des témoins. Dès le début de sa plaidoirie, maître Catherine Mabille a donné le ton : «Le procureur voulait faire la preuve de l'enrôlement massif d'enfants. Le procureur a fait la preuve de la présence massive de faux témoins ». Au cours du procès, dont une large partie s'est tenue à huis clos, la défense avait présenté 19 témoins pour démontrer que l'enquête avait été manipulée.

L'avocat a expliqué que les intermédiaires, agents congolais du procureur, chargés d'épauler les enquêteurs sur le terrain, en Ituri, avaient « incité les témoins à mentir devant la Cour ». L'un des témoins de ces faits avait ainsi relaté les propos de l'un des intermédiaires : « Il m'a dit que lorsque j'irai devant les juges, là où Papa Thomas a été arrêté, il faudra que je dise que j'ai été enlevé de force ». Selon la défense, deux intermédiaires agissaient à la fois pour le procureur et les victimes.

Relativisant toutefois la gravité des faux témoignages, auxquels sont confrontées « toutes les cours du monde », l'avocate a estimé que le plus grave danger « qui menace la Cour » est « l'instrumentalisation du bureau du procureur par les puissances étatiques ». Pas intentionnellement, précise-t-elle, « mais la preuve a été apportée que le pouvoir congolais, de multiples manières, est intervenu directement ou indirectement dans les enquêtes et dans le processus judiciaires. »

Selon l'avocate, l'intermédiaire 316, selon son pseudonyme, était le « haut responsable d'une agence gouvernementale, directement lié au pouvoir central, directement lié au président Kabila. » Un autre serait « à la fois un agent du procureur jouant un rôle clé dans les enquêtes, et un agent du pouvoir congolais agissant en Ituri avec ses subordonnés ». Enfin, l'avocate a aussi dénoncé l'existence de pressions, qui auraient été exercées par Kinshasa contre plusieurs témoins venus déposer en faveur de Thomas Lubanga.

Maître Biju-Duval a ensuite plaidé sur le fond du dossier. L'avocat à dessiné le portrait d'un homme de paix. « Est-ce un crime d'organiser la résistance ? Est-ce que le droit s'y oppose ? a-t-il lancé à l'adresse des trois juges. « Dans ce type de situation, c'est l'inaction qui est criminelle, car elle n'est que lâcheté ». Pour l'avocat parisien, Thomas Lubanga a été inculpé parce qu'il devait payer son opposition à l'Ouganda au cours de la guerre.

Thomas Lubanga a conclu la plaidoirie de la défense. « Il m'a été impossible de me reconnaître dans les faits criminels injustement imputés et dans les intentions qui m'ont été prêtées. Ce qui s'est passé dans le contexte tragique de l'Ituri, c'est que j'ai assumé, avec le concours d'autres concitoyens, des responsabilités » a-t-il expliqué à la chambre. « Je l'ai fait juste dans le but de lutter contre l'inhumanité dévastatrice dont souffraient, à cette époque, toutes les communautés congolaises de l'Ituri. Je l'ai fait dans le simple but de tenter de sauver ce qu'il y a de plus cher à tout homme, la vie".

Les juges se sont retirés pour délibérer. Selon les prévisions du greffe, le jugement devrait être rendu d'ici fin décembre. Si Thomas Lubanga est reconnu coupable, une nouvelle audience sera convoquée pour déterminer la sentence.

SM/GF

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