06.09.11 - CPI/NGUDJOLO - « MATHIEU NGUDJOLO NE DONNAIT PAS D'ORDRES, IL ETAIT INFIRMIER »

La Haye, 6 septembre 2011 (FH) - Depuis le 26 août, Emmanuel Ngabu Mandro, alias « chef Manu », témoigne à la demande de Mathieu Ngudjolo. C'est le quatrième témoin appelé par la défense de l'accusé, poursuivi pour crimes contre l'humanité commis le 24 février 2003, à Bogoro, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC).

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Ce chef coutumier, d'ethnie lendu, connaît « très bien l'accusé ». En août 2002, « je l'ai pris [dans mon dispensaire] parce que nous avions plusieurs blessés dans ma collectivité », affirme-t-il. Les deux hommes travaillent alors ensemble au dispensaire de Zumbe, village de l'Ituri. « Mathieu Ngudjolo prodiguait les soins, il soignait des plaies », explique le chef Manu.

Lunettes rectangulaires et collier de barbe blanche, le chef Manu est très prolixe lorsqu'il s'agit de dédouaner l'accusé. L'avocat de Mathieu Ngudjolo, maître Jean-Pierre Fofé, insiste: « Mathieu Ngudjolo avait-il des combattants sous son commandement ?" Le témoin rétorque: "Comment un infirmier peut avoir des combattants ? C'était un infirmier sous mes ordres ! ».

Puis le chef Manu, qui compte une trentaine de municipalités "sous ses ordres", explique encore : « Mathieu Ngudjolo n'était pas mon chef. C'était moi le chef coutumier. C'est moi qui donnais les ordres. Les jeunes se déplaçaient pour aller chercher un blessé, par exemple, mais Mathieu Ngudjolo ne donnait pas les ordres à ma place ».

Pour montrer son impatience, il en appelle au président de la chambre : « Dites au professeur Fofé que Mathieu Ngudjolo n'était pas mon supérieur à cette époque là. C'est moi qui avais le pouvoir, moi et les sages. Mathieu Ngudjolo ne pouvait pas donner des ordres à la population, c'est un infirmier ! ». Dans une chorégraphie qui semble bien orchestrée, l'avocat met alors au défi le procureur de confronter ses accusations aux propos du témoin, puis poursuit.

Mathieu Ngudjolo a-t-il envoyé des commandants « pour aller négocier avec Germain Katanga le plan d'attaque de Bogoro, le 24 février 2003 ? » L'accusé n'était pas impliqué, affirme le témoin, qui s'exprime en swahili. « J'ignore où cela a été préparé et si jamais cela a été préparé, je ne suis pas au courant ». Ce qu'il sait, c'est qu'entre août 2002 et mars 2003, « Mathieu Ngudjolo était avec nous et il soignait les malades ». Selon le chef coutumier, l'accusé ne quittera son dispensaire qu'en mars 2003, après l'attaque de Bogoro, pour rejoindre les rangs du Front nationaliste et intégrationniste (FNI), dont il devient l'un des commandants.   

Le témoin a ensuite évoqué une réunion, organisée quelques semaines avant le massacre de Bogoro, en présence d'officiers venus de Kinshasa, et à laquelle était présent Germain Katanga. « Germain Katanga était là, mais moi, je n'étais pas présent. Ils ont dit qu'ils traitaient des affaires militaires, alors cela ne me regardait pas ». Plus tard, il demande à Germain Katanga des munitions. "Ses gens ont refusé. J'étais inquiet, parce que je voyais que tout mon village était mis à feu. Finalement, il m'a donné des munitions dans des sacs en plastique ». Le chef Manu récupère 1200 cartouches pour les sept AK47 que compte son village.

Le chef Manu a aussi évoqué une rencontre avec le procureur. Luis Moreno s'était rendu à Zumbe, en juillet 2009, pour faire la promotion de la Cour auprès de la population locale. Selon le témoin, Luis Moreno Ocampo aurait ensuite promis d'aider les habitants « à reconstruire l'école ». « Je lui ai dit que les gens qui sont ici peuvent vous affirmer que Monsieur Ngudjolo n'était pas à Bogoro », raconte le témoin. « Nous avons parlé de tout cela mais lui a dit que je le trompais ».

Le procès de Mathieu Ngudjolo et Germain Katanga a commencé le 24 novembre 2009.

SM/ER/GF

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