06.09.11 - FRANCE/RWANDA - SANS-PAPIER "POLITIQUE", AGATHE HABYARIMANA POURRAIT LE RESTER (AUDIENCE)

Paris, 6 septembre 2011 (FH) - La veuve de l'ancien président Habyarimana pourrait n'être ni expulsée ni régularisée, indiquait ce mardi 6 septembre la représentante du préfet de l'Essonne, lors d'une audience devant le tribunal administratif de Versailles.

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Dans la discrétion, Agathe Habyarimana y faisait aujourd'hui sa rentrée judiciaire, accompagnée d'un comité de très proches plus petit qu'à l'accoutumée.

La question de son séjour en France est "éminement politique" ont admis tour à tour le rapporteur de la République, le représentant de la préfecture et l'avocat de la plaignante, tous conscients que le sujet est d'autant plus sensible à quelques jours de la visite en France du président rwandais Paul Kagame, le 12 et 13 septembre prochains.

Le 4 mai 2011, le préfet de l'Essonne avait refusé pour la deuxième fois la demande de titre de séjour "vie privée et familiale" déposée par Mme Agathe Habyarimana, qui réside depuis plusieurs années dans ce département du Sud de Paris avec ses enfants, au motif que sa présence constituerait une "menace à l'ordre public".

Par ce même arrêté, le préfet lui enjoignait également de quitter le territoire français, et ce en dépit de l'interdiction qui lui est faite d'en sortir dans le cadre d'une demande d'extradition du Rwanda, qui souhaite la juger pour son rôle présumé dans le génocide de 1994. Une demande elle aussi politiquement sensible, sur laquelle la Cour d'appel de Paris doit se prononcer le 29 septembre prochain.

"Certes, nous sommes dans une affaire politiquement sensible, historiquement dramatique, mais par tous les bouts où l'on prend la décision du préfet de l'Essonne, celle-ci ne tient pas la route", a plaidé mardi à Versailles Me Philippe Meilhac, l'avocat de Mme Habyarimana. "On sait que le TPIR ne la jugera pas, argumente-t-il. On sait que le Rwanda ne pourra pas la juger car selon toute vraisemblance elle n'y sera pas extradée, escompte-t-il. Autant dire que même du point de vue de ceux qui souhaitent la voir juger, ce qu'elle aussi souhaite pour que la vérité soit faite, les seules chances de poursuites pénales à l'encontre de ma cliente sont celles qui existent en France."

Dans une autre procédure, engagée en France à la suite d'une plainte déposée en 2007 pour "complicité de génocide" par une association de défense des victimes, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), l'ancienne première dame avait été entendue par la section de recherche de la gendarmerie de Paris, comme simple témoin, le 9 mars 2010.

"La réalité, poursuit Me Meilhac, est qu'elle vit depuis 1998 de façon continue sur le sol français avec ses enfants, dont certains ont la nationalité française. Que l'armée française est venue l'exfiltrer le 9 avril, trois jours après le déclenchement du génocide et qu'elle est arrivée en France, via la Centrafrique, avec deux de ses enfants - dont l'un est ici dans la salle. Qu'elle était propriétaire d'un appartement en France, qu'elle est venue occuper. L'accueil de la France a été bienveillant, et depuis Mme Habyarimana n'a pas fait parler d'elle, hormis du fait des procédures intentées à son encontre."

"Je ne vois pas comment on peut parler de menaces à l'ordre public", insiste l'avocat.

Concise et laconique, la plaidoirie de la représentante du préfet de l'Essonne tient en trois phrases principales. La première est allusive : "En raison de menaces à l'ordre public, l'Etat a décidé de lui refuser le séjour", élude-t-elle sans complément d'explication. La seconde souhaite rassurer le tribunal : "L'éloignement du territoire est très hypothétique parce que vous l'avez compris Mme la présidente, il n'est pas question de l'éloigner de façon contrainte vers le Rwanda." La troisième invoque le maintien du statu quo : "Sa présence en France constitue toutefois une menace, qui serait aggravée par l'acceptation de son séjour."

Ni expulsion, ni titre de séjour, suggère ainsi la préfecture, tandis que l'avocat de la plaignante réclame une situation claire "pour finir ses jours en France avec ses enfants".

Si les délais habituels sont respectés, la décision du tribunal administratif de Versailles est attendue pour le 20 septembre.

FP/GF

© Agence Hirondelle