07.09.11 - CPI/RUTO - LES SUSPECTS POINTENT LES FAIBLESSES DE L'ENQUETE DU PROCUREUR

La Haye, 7 septembre 2011 (FH) - Les audiences de confirmation des charges portées à l'encontre de William Ruto, Henry Kosgey et Joshua Sang, se sont poursuivies depuis lundi avec l'audition des arguments de la défense. Les trois kényans sont suspects de crimes contre l'humanité commis suite à l'élection présidentielle du 27 décembre 2007 dans leur pays.

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Dans une bataille rangée, les avocats ont dénoncé la faiblesse des preuves fournies par le procureur. La défense de William Ruto a ouvert la charge en diffusant une intervention du député d'Eldoret à la télévision, le 1er janvier 2008, dans laquelle il appelait à stopper les violences. Le suspect n'était pas dans la vallée du Rift aux premiers jours des violences mais à Nairobi, affirment ses avocats et les enquêtes sont "biaisées", selon maître David Hooper, car le procureur n'a présenté aucun élément à décharge, comme il en a l'obligation. L'avocat britannique enchaîne. « Il n'y a pas de preuves concernant les réunions, les appels téléphoniques, les déclarations de William Ruto. Pas de reçus, pas de preuves de transferts d'argent ».

« Pourquoi cela n'a pas été fait ? interroge-t-il. Le Kenya n'est pas la Somalie, le Kenya est un pays sophistiqué ». Dénonçant la «théorie» du procureur, selon laquelle William Ruto et Henry Kosgey auraient dirigé un « réseau » pour commettre les violences suite à la victoire de Mwai Kibaki, candidat du Parti national unifié (PNU) à la présidentielle, l'avocat s'interroge sur les membres présumés de ce réseau: « Qui sont-ils ? Qui sont les financiers ? Qui sont les chefs de tribus ? ».

Sur ce point, le procureur a produit les déclarations écrites de sept témoins, « anonymes » souligne la défense. En revanche, l'accusation n'a fourni aucun élément, argue maître Hooper, sur la Fondation Emo, qui aurait financé les attaques. Par ailleurs, « un témoin a dit que l'argent est venu de Raila Odinga », actuel Premier ministre du Kenya, et probable candidat à la présidentielle prévue en 2012. « Si je pointe cela, ce n'est pas pour impliquer Raila Odinga, précise l'avocat, mais pour indiquer qu'apparemment le procureur ne l'accepte pas. Il n'y a pas eu d'efforts pour conduire monsieur Odinga devant cette Cour. »   

Maître Hooper évoque deux autres témoins du procureur, plaçant Raila Odinga « comme le chef, le commandant » de ce réseau.   

Co-accusé, Henry Kosgey, député de la circonscription de Tinderet depuis 1979 et ancien ministre de l'Industrialisation dans le gouvernement d'union formé en février 2008, avait démissionné en janvier 2011, après avoir été impliqué dans une affaire de corruption. Considéré par l'accusation comme le financier des attaques et le bras droit de William Ruto, il n'aurait cependant participé à aucune des réunions du « réseau », selon ses avocats.

Pour eux, « la seule chose qui est en litige est de savoir si ces violences étaient spontanées ou si certaines étaient planifiées. » Henry Kosgey « ne sait pas et il n'a pas participé ». Maître George Oraro a conclu en demandant la conduite d'une enquête solide.   

La défense du journaliste Joshua Sang a décidé de compléter les preuves du procureur, en versant au dossier des transcriptions d'une émission du 1er janvier. L'accusation affirme que le journaliste de Kass FM a participé au réseau en diffusant des messages incitant aux violences.  Faux, selon maître Joseph Kigen-Katwa, qui ajoute que les pièces du procureur démarrent au 18 janvier, bien après le début des émeutes. Diffusée sur Kass FM, la transcription d'une émission du 18 janvier a été déposée par le procureur sous le sceau de la confidentialité. Pour maître Kigen-Katwa, cela prouve que l'accusation a « probablement voulu cacher l'absence de preuves contre mon client ».   

Concernant les réunions auxquelles Sang est censé avoir participé, l'avocat kényan a produit plusieurs alibis. Lors de l'un des meetings allégués,  Joshua Sang présidait la finale d'un tournoi de football.  Par ailleurs, l'un des participants présumés à une autre réunion était en réalité en prison, affirme l'avocat, qui produit deux coupures de journaux sur ce fait. Incarcéré, le même homme aurait, selon des témoins du procureur, fourni des armes au cours d'une réunion de novembre 2007.

Logan Hambrick, de l'équipe de défense de Joshua Sang, rappelle que « les journalistes ont le droit de publier les vues d'autres personnes dans leurs programmes. La BBC a interviewé Saïf Kadhafi (...) et nous estimons qu'il n'y a pas de différences entre les actions de monsieur Sang et celles de la BBC vis-à-vis de Saïf Kadhafi ».

William Ruto, Joshua Sang et Henry Kosgey font l'objet de poursuites depuis le 8 mars 2001. Ils comparaissent librement devant la Cour. Si les juges décident de confirmer les charges portées par le procureur, l'affaire sera alors renvoyée en procès.

SM/ER/GF

© Agence Hirondelle