07.10.11 - FRANCE/RWANDA - LE PRÉFET SOMMÉ DE MOTIVER SON REFUS DE SÉJOUR A AGATHE HABYARIMANA

Paris, 7 octobre 2011 (FH) - Au terme d'un délibéré prolongé, le tribunal administratif de Versailles a annulé jeudi le rejet de la demande de séjour de la veuve de l'ancien président Habyarimana et demandé au préfet de l'Essonne de motiver son refus, a-t-on appris vendredi de sources judiciaires.

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Le 4 mai 2011, le préfet de l'Essonne avait refusé la deuxième demande de titre de séjour "vie privée et familiale" déposée par Mme Agathe Habyarimana, qui réside depuis plus de dix ans dans ce département du Sud de Paris avec ses enfants, au motif que sa présence constituerait une "menace à l'ordre public".

L'ancienne première dame avait fait appel de ce refus le 6 septembre dernier, cinq jours avant la visite en France du président rwandais Paul Kagame, qui demande qu'elle soit jugée pour sa participation présumée au génocide de 1994. Une demande d'extradition du Rwanda a été rejetée peu après cette visite par la Cour d'appel de Paris, le 28 septembre.

La présence en France d'Agathe Habyarimana, qui avait été exfiltrée de Kigali trois jours après le déclenchement du génocide puis accueillie par Paris de façon bienveillante, est considérée comme politiquement sensible et la décision du tribunal de Versailles était très attendue.

Dans son jugement du 6 octobre, le tribunal annule la décision du préfet, souligne qu'il "ne caractérise nullement la menace à l'ordre public qu'il invoque" et le somme "de prendre une nouvelle décision tenant compte de la situation [...] et énonçant de manière précise ses motifs".

Le même tribunal avait déjà prononcé un jugement similaire le 2 novembre 2010, pour annuler un premier refus de la préfecture, en date du 5 juillet 2010.

"Qu'il y ait un enjeu diplomatique, cela me paraît être une évidence. On sent au-dessus de la tête des magistrats administratifs la préoccupation d'éviter que ça se repasse mal entre la France et le Rwanda. Alors le tribunal botte à nouveau en touche", déplore Me Philippe Meilhac, l'avocat de Mme Habyarimana.

"Les bras m'en tombent, s'exclame-t-il. On nous dit la décision du préfet elle ne vaut rien, elle est motivée n'importe comment sur la vie privée et familiale et sur la menace à l'ordre public, mais on n'enjoint pas au préfet de délivrer à ma cliente le titre de séjour auquel elle a droit, ni même lui donner de délai !"

"Il ne faut pas perdre de vue que derrière tout ça il y a une réalité humaine, celle d'une femme qui a 70 ans aujourd'hui et que l'on met au ban de la société. Il y a des poursuites contre elle en France, elle est en France depuis de nombreuses années, elle y a sa famille, elle va manifestement y finir ses jours, je ne vois pas pour quoi ne pas lui donner un titre de séjour, à part une forme d'hypocrisie qui est tout de même assez déroutante", estime l'avocat.

Suite à une plainte déposée en France en 2007 pour "complicité de génocide" par une association de défense des victimes, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une information judiciaire a été ouverte en mars 2008 devant le tribunal de grande instance de Paris contre Agathe Habyarimana.

Le TPIR n'ayant pas ouvert de poursuites contre elle et la demande d'extradition du Rwanda ayant été rejetée, il s'agit à ce jour de la seule possibilité pour qu'un procès soit ouvert contre celle que certains spécialistes du Rwanda avait décrite comme le centre de l'Akazu (maisonnée en kinyarwanda), et dont les membres auraient participé à la planification du génocide de 1994.

FP/ER/GF

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