11.10.11 - TPIR/GOUVERNEMENT II - DEUX REUNIONS DE LA CONSPIRATION (ECLAIRAGE)

Arusha, 11 octobre 2011 (FH) - Le jugement rendu le 30 septembre par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) dans le procès de quatre ex-ministres a invalidé la plupart des allégations portées contre ces anciens dignitaires. Seule a été retenue la présence des anciens ministres de la Fonction publique, Prosper Mugiraneza et du Commerce, Justin Mugenzi à deux réunions cruciales tenues les 17 avril et 19 avril 1994. C'est ce fait qui a scellé leur sort: 30 ans de réclusion pour entente en vue de commettre le génocide ainsi qu'incitation directe et publique à commettre le génocide.

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C'est le 17 avril 1994 que le gouvernement intérimaire décide, en conseil des ministres, de limoger le préfet tutsi de Butare (sud), Jean-Baptiste Habyalimana, qui s'était opposé aux massacres. Deux jours plus tard, il est remplacé par Sylvain Nsabimana lors d'une cérémonie dirigée par le président intérimaire Théodore Sindikubwabo, lui aussi fils de Butare.

« La chambre a conclu que le limogeage d'Habyalimana, approuvé par Mugenzi et Mugiraneza, visait à annihiler la résistance réelle et symbolique qu'Habyalimana opposait au génocide à Butare. Bien que des tueries aient eu lieu à Butare avant cette décision, elles semblaient limitées à la partie proche de la préfecture de Gikongoro », écrit la chambre dans le résumé en anglais de son jugement. «Sous la direction d'Habyalimana, Butare, un lieu connu pour sa tolérance inter-ethnique, était restée généralement calme », poursuivent les juges, rejoignant de nombreux experts. Pour la chambre, la destitution du préfet Habyalimana et l'investiture d'un autre, le surlendemain, doivent être lus ensemble.

« Plusieurs ministres du gouvernement intérimaire qui avaient approuvé le limogeage d'Habyalimana, notamment Mugenzi et Mugiraneza, ont participé » à l'investiture de Nsabimana. « Mugenzi et le Premier ministre Jean Kambanda se sont adressés aux personnes présentes », poursuit le texte mais sans aborder le contenu de leurs interventions. Le résumé s'attarde sur les propos légendaires du président Sindikubwabo. « Fort d'un gouvernement intérimaire apparemment unifié derrière lui, Sindikubwabo a prononcé un discours incendiaire. Il a accusé les gens de Butare d'indifférence face à la guerre, même si cette dernière n'avait pas encore atteint la préfecture. Il a demandé à son auditoire de travailler, un terme utilisé comme un ordre de tuer pendant le génocide », a expliqué la chambre.

« La présence de Mugenzi et Mugiraneza à la cérémonie d'investiture a apporté un encouragement moral significatif et substantiel à Sindikubwabo pendant qu'il incitait aux massacres de Tutsi », concluent les juges à l'unanimité.

Les deux autres, Casimir Bizimungu, alors ministre de la Santé, et Jérôme Bicamumpaka, chef de la diplomatie, n'étaient pas présents à ces deux réunions. « La chambre n'a pas trouvé que Bizimungu et Bicamumpaka puissent être tenus responsables pour ces événements. Ils n'ont joué aucun rôle dans la révocation d'Habyalimana ni dans la cérémonie qui a suivi pour son remplacement », indique le texte. Après sa disgrâce, le préfet tutsi fut jeté en prison et tué par la suite.

Très attendu, le jugement est tombé 12 ans après l'arrestation des quatre hommes.

Ouvert sur le fond en novembre 2003, le procès avait été clôturé le 5 décembre 2008, au terme des réquisitions du procureur et des plaidoiries de la défense. 

Le verdict, plusieurs fois reporté, était initialement attendu en 2010. Face au retard de la procédure, Mugiraneza, avait déjà demandé en vain, à quatre reprises, l'annulation de l'acte d'accusation. Ses requêtes n'avaient pas laissé indifférent le juge Emile Francis qui a estimé, dans une opinion dissidente, que les condamnés auraient dû bénéficier d'une réduction de peine de 5 ans de prison pour violation de leur droit à être jugé dans un délai raisonnable.

Après la lecture du jugement, Mugenzi et Mugiraneza été reconduits sous bonne escorte au centre de détention du TPIR alors que la chambre venait d'ordonner la remise en liberté immédiate des heureux acquittés, logés depuis, dans une maison sécurisée à Arusha.

ER/GF   

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