27.10.11 - CPI/BEMBA - "DETRUISEZ TOUT, NOUS SOMMES EN GUERRE" (TEMOIGNAGE)

La Haye, 27 octobre 2011 (FH) - Le trente-deuxième témoin de l'accusation a commencé à déposer, jeudi matin, contre Jean-Pierre Bemba. Mécanicien naviguant de la SOCATRAF, la société centrafricaine de transport fluvial, Cyprien-Francis Ossibouyen a évoqué les dix-neuf nuits durant lesquelles il a du faire passer hommes, armes et munitions depuis Zongo, en République démocratique du Congo (RDC) jusqu'à Bangui.

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Une nuit d'octobre 2002, le témoin est réveillé avec fracas par le directeur technique de la SOCATRAF, « un Français », accompagné « de 36 hommes armés ». Conduit à la base navale de Bangui, le mécanicien doit réparer le bac qui fait la liaison entre Zongo et la capitale centrafricaine.

A l'aube, il doit traverser, une première fois, le fleuve. Sur les rives de Zongo, des miliciens attendent sous les manguiers. « Le responsable de ces hommes leur disait : ‘Nous sommes au Zaïre, il y a la guerre en face de nous. Dès que vous dépasserez le milieu du fleuve, c'est la République Centrafricaine. Vous n'avez pas d'enfants là-bas, pas de femmes, pas de familles. Détruisez tout. Nous sommes en guerre. En temps de paix, ils reconstruiront leur pays' ».

S'exprimant en français, et en audience publique, le témoin poursuit : « Dès que leur chef donnait ces instructions, ils étaient contents. Ils secouaient leurs armes comme cela », mime-t-il en levant un poing vers le plafond de la salle d'audience. Pendant dix-neuf nuits, le témoin doit faire la navette entre les deux villes. Depuis Zongo, il embarque des miliciens et des caisses de munitions jusqu'à Bangui. Au retour, le ferry est chargé de blessés.

« C'était pas du tout facile ! » explique-t-il aux trois juges, « j'ai reçu des menaces ». Les combattants blessés exigent d'être évacués sans attendre les ordres du responsable, l'adjudant Odon. Pris entre deux feux, Cyprien-Francis Ossibouyen raconte s'être senti « entre la vie et la mort ».

Son interrogatoire se poursuivra toute la semaine. Jean-Pierre Bemba est poursuivi pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis en 2002 et 2003 en Centrafrique. A l'époque, le président centrafricain, Ange-Félix Patassé, avait appelé en renfort les miliciens de M. Bemba pour contrer une rébellion.

Après la déposition de Cyprien Francis Ossibouyen, le procureur appellera encore huit autres témoins. Il devrait finir la présentation de ses preuves au début du mois de février 2012. Le procès de Jean-Pierre Bemba a commencé le 22 novembre 2010.   

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