26.03.12 - FRANCE/RWANDA - "IL N'Y A PAS EU D'EXPULSION" D'ENQUÊTEURS FRANCAIS AU RWANDA

Paris, 23 mars 2012 (FH) - "Des officiers judiciaires sont allés au Rwanda dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, ils ont effectué leur mission, ils sont rentrés à l'issue de cette mission, il n'y a pas eu d'expulsion", a démenti vendredi une porte parole du ministère des Affaires étrangères français interrogée par l'agence Hirondelle, après que le procureur général rwandais Martin Ngoga a indiqué, jeudi, que son pays les avait "chassés".

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"On ne commente pas les propos d'un procureur de la République", a conclu Fabienne Mansencal, adjointe du porte-parole du Quai d'Orsay.

Martin Ngoga, en assurant hier à Arusha que son pays venait de refouler la 35e commission rogatoire menée par la France au Rwanda, a tancé la lenteur et le manque de résultat de la justice française : « La France nous a énormément déçus avec la façon dont elle traite les affaires liées au génocide. Si [elle] ne change pas sa façon de traiter les affaires liées au génocide, nous (le parquet général du Rwanda) devrons revoir nos relations de travail avec eux. »

Côté français, on affirme que depuis janvier 2012, il y a eu précisément 19 déplacements d'enquêteurs et ou de magistrats au Rwanda.Quoiqu'il en soit, les derniers enquêteurs français en mission au Rwanda ont bel et bien connu un séjour difficile. La commission rogatoire était composée de deux officiers de la section de recherche de la gendarmerie, indiquent plusieurs sources judiciaires. Toutes confirment que, s'il n'y a pas eu d'expulsion, leur séjour a été assurément écourté.Arrivés au Rwanda le 11 mars, ils devaient en repartir le 24. Le procureur rwandais a convoqué l'un d'entre deux le 15 mars, pour lui demander d'exiger pour le lendemain des clarifications du ministère de la Justice français sur la durée des procédures et l'absence de procès en France. N'ayant pas reçu d'information de la Chancellerie, Martin Ngoga a d'abord mis son ultimatum à exécution. Les enquêteurs - qui s'étaient entre temps déplacés à Butare – se sont vus enjoindre de regagner Kigali.Mais, ils sont de nouveau convoqués par Martin Ngoga, dont la position semble s'être infléchie. Le procureur leur aurait alors donné de nouveau l'autorisation de circuler. Leur hiérarchie jugeant cependant la situation trop incertaine, elle demande aux deux gendarmes de reprendre l'avion, en l'absence toujours de la "clarification" demandée au ministère de la Justice français. Leur retour anticipé a lieu le 20 mars, quatre jours avant la fin initialement prévue de leur mission.Les propos virulents tenus à Arusha par le procureur de Kigali viennent après deux ans d'apaisement des relations diplomatiques entre les deux pays. Un réchauffement qui restera marqué par la visite à Paris du président Paul Kagamé en septembre 2011, et par la satisfaction avec laquelle Kigali a accueilli les premières conclusions du rapport balistique présenté en janvier par le juge Trévidic sur l'attentat du 6 avril 1994.Mais depuis février, les nuages s'amoncellent de nouveau entre Paris et Kigali. La perte du dossier d'extradition de l'ancien ministre des Travaux publics Rafiki Nsengiyumva par le tribunal de grande instance de Paris a été mal reçue au Rwanda. En février toujours, le gouvernement rwandais a refusé de recevoir les lettres de créance d’Hélène Le Gal, nommée nouvel ambassadeur de France à Kigali, en remplacement de Laurent Contini. Ce dernier a été rappelé pour consultation à Paris, et la France ne dispose plus actuellement d'ambassadeur au Rwanda.Enfin, quelques jours avant l'arrivée de l'équipe d'enquêteurs français, un événement a pu mettre le feu aux poudres, indique une source : la notification au ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, de plaintes en diffamation par des officiers français qu'il a accusé d'être impliqués dans le génocide. Malgré deux réquisitions contraires du parquet, la juge en charge a estimé en novembre dernier qu'il appartenait au ministre visé par la plainte - et non au parquet français - d'invoquer une éventuelle immunité.Interrogé, le ministère de la Justice français n'a pas souhaité faire de commentaire.

FP/GF