24.10.13 - RWANDA/JUSTICE - AUDITION DU PREMIER TEMOIN A CHARGE DANS LE PROCES DE LEON MUGESERA

Kigali, 24 octobre 2013 (FH)- Le premier témoin à charge dans le procès de l’universitaire Léon Mugesera notamment accusé d’incitation au génocide à travers un discours prononcé en langue rwandaise en 1992, a affirmé mercredi que l’intervention de l’accusé avait été suivie de massacres de Tutsis.

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Le témoin, qui a choisi de déposer sous son vrai nom Iddi Hategekimana, a indiqué avoir connu Mugesera lors du discours de ce dernier, le 22 novembre 1992, à Kabaya, dans la préfecture de Gisenyi (Nord), à un meeting du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), le parti de l’ex-président Juvénal Habyarimana. Mugesera était lors vice-président du MRND pour la préfecture de Gisenyi.Prié de dire s’il se souvenait d’extraits de ce discours, le témoin a cité : « Les Tutsis ne sont pas Rwandais ; ils sont arrivés d’Ethiopie ; ils doivent rentrer chez eux par un raccourci ». « Le Tutsi qui se trouve dans la cellule ou le secteur, tuez-le et faites-le passer par la (rivière) Nyabarango ; c’est le plus court chemin ».Interrogé par le procureur Alain Mukuralinda, Iddi Hategekimana a indiqué que le discours de Kabaya avait été effectivement suivi de massacres de Tutsis à Kabaya et dans les environs. Il a cité des noms de victimes.Procédant lui-même au contre interrogatoire, malgré la présence de son avocat, Mugesera a d’abord demandé au témoin de préciser son appartenance ethnique, le parti politique dont il était membre et son niveau d’enseignement. Des questions que le procureur et la chambre ont trouvées sans pertinence pour le procès. Insistant sur ces précisions, l’universitaire, qui a déjà demandé en vain la récusation du juge- président Athanase Bakuzakundi, a accusé la chambre d’être à la fois juge et partie.Le témoin Hategekimana devait poursuivre sa déposition jeudi. L’accusation a annoncé 28 témoins en tout, dont sept bénéficiant de mesures de protection.Mugesera a déjà fait savoir qu’il demanderait que tous les témoins déposent à visage découvert.La loi rwandaise prévoit cependant la possibilité de mesures de protection pour des témoins qui en font la demande.Depuis le début du procès en janvier dernier, les débats avaient essentiellement  porté sur l’analyse du discours incriminé. Le procureur général, Martin Ngoga, a plusieurs  fois affirmé qu’il s’agissait d’un appel explicite à tuer les Tutsis. Pour sa part, Mugesera a défendu son discours, soutenant qu’il appelait à l’unité des Rwandais face à « l’invasion du pays, depuis l’Ouganda ».L’ancienne rébellion Front patriotique rwandais (FPR, aujourd’hui au pouvoir), dont certains éléments appartenaient à l’armée ougandaise, avait attaqué le Rwanda début octobre 1990. Le FPR a pris le contrôle de Kigali en juillet 1994, après en avoir chassé l’armée gouvernementale.Aujourd’hui âgé de 60 ans, Léon Mugesera, ancien professeur de Linguistique à l’Université nationale du Rwanda (UNR), est accusé de planification du génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide, et génocide.  Réclamé par le Rwanda depuis 1995, il avait multiplié au cours des années les recours judiciaires au Canada, mais n'avait finalement pas pu empêcher son extradition, en janvier 2012.SRE-ER