27.01.14 - CPI/PROCUREUR - FATOU BENSOUDA ET SES DEUX CHEFS D’ETAT EN EXERCICE

Arusha, 27 janvier 2014 (FH) – Déjà excédée par  son échec à faire arrêter le président soudanais Omar El-Béchir, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, doit maintenant reprendre ses enquêtes dans le dossier d’Uhuru Kenyatta, un autre chef d’Etat en exercice.

2 min 49Temps de lecture approximatif

Le président Omar el-Béchir se déplace sans s’inquiéter dans la plupart des pays africains, en dépit de deux mandats d’arrêt de la CPI. Malgré les prières répétées de la procureure de la CPI, aucun Etat, y compris même parmi ceux qui ont ratifié le Statut de la Cour, n’a encore eu le courage de mettre la main sur le chef de l’Etat soudanais, pourtant recherché pour les  crimes les plus graves.

Un premier mandat d’arrêt de la CPI est émis à l’encontre de Béchir en mars 2009. Le procureur de l’époque, Luis Moreno Ocampo, accuse le président soudanais d'être à l'origine d'une campagne systématique d'intimidation, de meurtres, de viols contre trois groupes ethniques de la région du Darfour : les Fours, les Maalit et les Zaghawa. Conçue et mise en œuvre par le régime de Khartoum, cette campagne a par ailleurs forcé le déplacement de plus de 1,5 million de personnes. Premier accusé de génocide devant la CPI Dans ce premier mandat d’arrêt, Béchir est poursuivi pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Les juges ont refusé d’admettre le crime de génocide, estimant que la preuve préliminaire du procureur concernant ce chef d’accusation n’était pas suffisante. Ocampo reviendra plus tard avec de nouveaux éléments de preuve et un nouveau mandat d’arrêt, incluant des accusations de génocide contre les Fours, les Masalit et les Zaghwa, est émis en juillet 2010. Premier chef d’Etat en exercice recherché par la CPI, Béchir devient aussi le premier accusé de génocide devant la Cour pénale internationale.

Mais la Ligue arabe et l’Union africaine (UA) refusent d’exécuter le mandat d’arrêt. L’organisation panafricaine est allée plus loin en octobre 2013, en affirmant haut et fort, lors d’un sommet extraordinaire à Addis-Abeba, en Ethiopie, qu’aucun chef d’Etat encore en exercice ne saurait être poursuivi devant un quelconque tribunal international.

A l’origine de ce sommet du ras-le-bol, se trouvaient les poursuites engagées contre le président et le vice-président du Kenya. Elus dès le premier tour en mars 2013, en dépit des accusations de crimes contre l’humanité portées contre eux devant la CPI, Uhuru Kenyatta et William Ruto sont poursuivis pour leur rôle présumé dans les violences meurtrières qui avaient suivi les élections générales de fin 2007.A l’époque des faits, les deux dirigeants appartenaient à deux familles politiques adverses dont des membres en sont venus aux mains fin 2007-début 2008, lors de sanglants affrontements inter-ethniques. Retrait de deux témoins essentiels Après le sommet extraordinaire d’Addis-Abeba, des diplomates africains se sont activés en vain, vers la fin de l’année dernière, aux Nations unies pour tenter d’obtenir le gel des poursuites engagées contre ces leaders du Kenya. Le 15 novembre dernier, le Conseil de sécurité a, sans surprise, rejeté la demande kényane, à la grande satisfaction de Fatou Bensouda.

Mais le triomphe de la procureure a été éphémère car le 12 décembre, elle annonçait elle-même qu’elle venait de demander, après le retrait de deux témoins essentiels, d’ajourner de trois mois, l’ouverture du procès d’Uhuru Kenyatta. « Après avoir soigneusement examiné mes éléments de preuve et l’impact des deux retraits, j’en ai conclu que le dossier actuel contre M.Kenyatta ne remplit pas les hauts standards de preuve requis pour un procès », avouait Fatou Bensouda. « Il me faut ainsi du temps pour poursuivre les efforts en vue d’obtenir des preuves supplémentaires, et voir si ces preuves permettront à mon bureau de répondre aux standards requis pour la tenue d’un procès », ajoutait la procureure qui a souvent déploré des intimidations de témoins dans les deux affaires kényanes.La chambre a fait droit à la requête jeudi dernier alors que le procès devait s’ouvrir le 5 février.ER