07.03.14 - FRANCE/RWANDA - INVITÉ SURPRISE APRÈS CINQ SEMAINES DE PROCÈS, LE FRÈRE DE PASCAL SIMBIKANGWA

Paris, 07 mars 2014 (FH) - Les auditions de témoins se sont achevées vendredi, après cinq semaines du procès devant la cour d'assises de Paris du premier Rwandais jugé en France pour des faits liés au génocide de 1994, Pascal Simbikangwa, par la visite imprévue de son "petit frère".

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Sorti de sa discrétion, Bonaventure Mutangana s'est présenté comme le témoin de la dernière heure d'un accusé jusqu'ici en peine de produire des témoignages de proches. Complet noir et chaussures noires, l'homme de petite taille, semble avoir un air de famille bien qu'il ne soit qu'un cousin, fils des parents adoptifs de l'accusé.  Naturalisé Français, il travaille dans un supermarché Auchan et réside dans une ville touristique du Nord-Est de Paris. Son prénom est apparu à l'ouverture du procès, lors du témoignage de l'enquêtrice de personnalité, qui n'avait pu le contacter. Son nom est revenu au fil des audiences. Cité par Pascal Gahamanyi, un jeune Tutsi réfugié chez Pascal Simbikangwa durant tout le génocide, qui accuse M. Mutangana d'avoir cherché à le tuer. Cité aussi par Martin Higiro, un commerçant Tutsi réfugié plusieurs semaines chez l'accusé, qui raconte y avoir été déposé par M. Mutangana. M. Higiro était, d'après l'enquêtrice de personnalité, l'un des deux seuls "vrais amis" de Pascal Simbikangwa, qu'il a pourtant chargé deux jours plus tôt, par visio-conférence de Kigali, affirmant qu'il stockait des armes dans sa maison durant le génocide. Mais Martin Higiro était surtout l'ami de Bonaventure Mutangana, affirme celui-ci, qui louait un appartement au commerçant. Pour lui, M. Higiro a témoigné "sous pression". Le petit frère est venu appuyer les soupçons de faux témoignage apparus, comme une rengaine, dans ce procès. "Higiro, dit-il, c'est un homme bien, c'est donc quelqu'un qui aurait dit la vérité s'il le pouvait."  Le président Olivier Leurent, après cinq semaines de débats fournis, a fait gré à la requête de dernière minute de la défense, tout en parvenant à ne pas modifier son calendrier serré. Pour cette ultime audition, il semble parfois s'agacer : "Et Pascal Gahamanyi, il habite en Suède, qu'est-ce qui a pu le pousser à venir raconter des histoires ?", interpelle-t-il le témoin. "Gahamanyi a une place plus sûre, admet Bonaventure Mutangana. Mais pour survivre dans ce monde- là où il n'y a que des vautours, il faut avoir beaucoup de forces et pour cela il faut s'allier à d'autres…"  Ce petit frère au parcours d'étudiant en droit contrarié a officié comme para-commando durant le génocide. Il affirme ne figurer sur aucune liste de suspects de génocide, n'avoir rien à se reprocher. Simplement, il suivait les conseils de son grand frère, qui d'après lui n'a pas voulu le citer au procès pour ne pas l'exposer. Celui qui considère Pascal Simbikangwa "comme un père", comme un homme bon qui l'a soutenu dans ses études et a fait "tant de bien au village", a dit-il hésité durant tout le procès avant de choisir de se montrer, de témoigner, s'exposant estime-t-il à de possibles représailles. "Je ne pourrais jamais me relever si je le voyais condamné et si je n'étais pas venu dire la vérité." Il ne peut cependant clarifier l'emploi du temps approximatif de Pascal Simbikangwa, qu'il ne voit pas du 8 avril à la fin mai 1994, lorsque ce dernier lui rend visite à l'hôpital de Kabaya, près de Gisenyi, où il soigne une blessure par balle. Le 11 juillet, ils prendront en famille le chemin de l'exil vers le Zaïre, avant de se rendre au Kenya, aux Comores et à Mayotte. Le petit frère ne dément pas non plus sa réputation d'homme influent, consolidée au cours du procès. N'étant pas là, il n'a rien à dire enfin sur les déclarations de voisins et de gardiens de son quartier résidentiel de "Kiyovu les riches" à Kigali, venus dire au procès que l'accusé y distribuait, sur les barrières, armes et encouragements à exterminer les Tutsis.  La réputation de tortionnaire de l'ancien membre des services de renseignement ? Son petit frère n'en a "entendu parler que par la suite". L'insistance de Pascal Simbikangwa à dire, comme pour provoquer les réactions indignées des parties civiles, qu'il n'a vu aucun cadavre lors de ces déplacements dans et hors de Kigali pendant le génocide ?Bonaventure Mutangana répète la même explication présentée durant le procès par son grand frère : son infirmité l'empêchait de bien voir la route et au-delà, lorsqu'il circulait en voiture. "Oui, il y avait beaucoup de cadavres, mais mon frère il ne pouvait se lever et regarder !", s'exaspère le témoin. La sixième et dernière semaine du procès de Pascal Simbikangwa sera consacrée aux plaidoiries finales. Le verdict sera prononcé, après délibéré du jury, le vendredi 14 mars. Une question subsidiaire sur laquelle les jurés auront à se prononcer est la requalification des faits de "complicité de génocide" en faits de "génocide", demandée en fin de semaine par le ministère public. FP/ER