Le président syrien par intérim Ahmad al-Chareh a dit mercredi en Russie vouloir "redéfinir" les relations Damas-Moscou, lors de sa première rencontre avec Vladimir Poutine depuis le renversement de Bachar al-Assad, un ex-allié clé du Kremlin.
Devant les caméras, M. Poutine a accueilli chaleureusement Ahmad al-Chareh au Kremlin tandis qu'en coulisses un responsable syrien a affirmé à l'AFP que Damas allait demander à Moscou de livrer Bachar al-Assad, réfugié avec sa famille en Russie depuis sa fuite de Syrie en décembre 2024.
"Au cours de toutes ces décennies, nous avons toujours été guidés par une seule chose: les intérêts du peuple syrien. Nous avons vraiment des liens très profonds avec le peuple syrien", a déclaré Vladimir Poutine, aux côtés du dirigeant syrien, lors de cet accueil filmé par la télévision d'Etat russe.
Il a affirmé que plus de 4.000 jeunes Syriens étudiaient actuellement en Russie, disant espérer qu'ils renforceront à l'avenir "l'Etat syrien". "Nous sommes très heureux de vous voir. Bienvenue en Russie", a conclu Vladimir Poutine.
Pour sa part, Ahmad al-Chareh, accompagné d'une délégation de hauts responsables syriens, a dit vouloir "redéfinir" les relations Damas-Moscou, tout en saluant également "des liens historiques anciens" entre la Syrie et la Russie et les "intérêts communs" entre les deux pays.
"Nous respectons tous les accords précédents et cette grande histoire et nous essayons de restaurer et de redéfinir d'une nouvelle manière la nature de ces relations afin que la Syrie puisse jouir de son indépendance, de sa souveraineté, ainsi que de son unité et de son intégrité territoriales (...) de sa sécurité et de sa stabilité", a-t-il ajouté.
Il a précisé notamment qu'une partie des besoins alimentaires de la Syrie dépendaient de "la production russe" et que "de nombreuses centrales" électriques syriennes ont besoin de "l'expertise russe".
- Livrer Bachar al-Assad -
Après la rencontre, qui a duré deux heures trente selon des médias russes, le vice-ministre russe Alexandre Novak a affirmé que les délégations avaient discuté de la livraison d'aide humanitaire à Damas, ainsi que de projets dans les domaines de l'énergie, des transports, du tourisme, de la santé et de la culture.
Selon M. Novak, la Russie est prête à participer à la reconstruction de la Syrie, ravagée par près de 14 ans d'une guerre déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie.
Moscou est aussi prêt à travailler dans le secteur pétrolier syrien: "Il y a des gisements qui nécessitent d'être développés, d'autres en sommeil, et de nouveaux gisements. Nous sommes prêts également à participer", a-t-il déclaré, cité par l'agence Ria Novosti.
Plus tôt mercredi, un responsable gouvernemental syrien ayant requis l'anonymat a affirmé à l'AFP que Damas demanderait à Moscou lors de cette visite de livrer Bachar al-Assad et "tous ceux" ayant commis des "crimes de guerre" et se trouvant en Russie.
En fin d'après-midi, aucun dirigeant russe ou syrien n'avait évoqué publiquement cette question.
Lundi, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait réaffirmé que Moscou avait offert à Bachar al-Assad et sa famille l'asile pour "des raisons purement humanitaires" et que ces derniers vivaient "dans la capitale russe".
Outre le sort de l'ex-dirigeant syrien, se pose celui des bases militaires russes de Tartous et de Hmeimim, situées sur la côte méditerranéenne, et qui constituent les seuls avant-postes militaires officiels de la Russie en dehors de l'ex-URSS.
Moscou avait largement utilisé ces installations lors de son intervention en 2015 dans la guerre civile syrienne en soutien à Bachar al-Assad, menant de violents bombardements aériens sur les zones tenues par les rebelles.
L'armée russe avait notamment bombardé intensivement le bastion rebelle d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, qui était tenu en grande partie par les forces de M. Chareh.
Fin 2019, lors d'une offensive gouvernementale pour essayer de reprendre cette zone, Moscou y avait mené des centaines de frappes aériennes, faisant des morts et causant la destructions d'écoles, d'hôpitaux, commerces et habitations.
Les nouveaux dirigeants islamistes de la Syrie cherchent à établir des relations pacifiques avec la Russie, malgré l'alliance passée de Moscou avec Bachar al-Assad.
En juillet, le ministre syrien des Affaires étrangères, Assad al-Chaibani, avait été le premier haut responsable du nouveau gouvernement à se rendre en Russie.
En janvier, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov avait conduit la première délégation russe à se rendre en Syrie depuis la chute de Bachar al-Assad.