Reprise de la vie à Bangui mais silence sur le calendrier électoral

Reprise de la vie à Bangui mais silence sur le calendrier électoral©Photo Nations Unies
Enfants déplacés à Bangui
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Banques, grands et petits commerces rouverts, taxis minibus et taxis-motos de nouveau en service : la vie a repris depuis le début de la semaine à Bangui, même si la capitale centrafricaine reste hantée par les violences intercommunautaires qui l'avaient paralysée à la fin du mois dernier. Bilan : 61 morts et plus de 300 blessés, selon les derniers chiffres du gouvernement.

Ces violences meurtrières avaient éclaté le 26 septembre à la suite du meurtre d'un conducteur de moto-taxi musulman. Des manifestants en colère avaient alors érigé des barricades dans la ville, exigeant notamment le départ de la présidente de transition Catherine Samba –Panza. Rentrée précipitamment de New York où elle prenait part à la 70 ième Assemblée générale de l'ONU, cette dernière a dénoncé une tentative de coup d'Etat et décrété un deuil national de trois jours à compter de lundi.

Dans ces conditions, le referendum constitutionnel, qui était prévu le dimanche 04 octobre et devait marquer le début d'une série de scrutins censés sortir le pays d'une transition qui dure depuis plus de deux ans, n'a pas eu lieu. Et aucune date n'a encore été annoncée pour cette consultation populaire. Silence aussi au sujet des législatives et de la présidentielle qui étaient prévues dimanche prochain 18 octobre.

 Les responsables de l'Autorité nationale des élections (ANE) n'ont encore fait aucune déclaration officielle. « Au niveau de l'ANE, rien ne se dessine encore. Tout est reparti à zéro avec cette crise que nous connaissons encore. Nous attendons de voir l'issue de la concertation de la chef d'Etat de transition avec les forces vives de la Nation pour pouvoir réfléchir sur un nouveau chronogramme », a simplement répondu à Radio Ndeke Luka Fernande - Françoise Sackanot, responsable de la cellule communication de l'ANE.

Le 16 juin, les principaux partenaires de la République centrafricaine (France, Union européenne, États-Unis et Union africaine) avaient approuvé le calendrier proposé par le comité stratégique de suivi des élections. Ce dernier fixait les législatives et la présidentielle au 18 octobre, avec un éventuel second tour le 22 novembre. Avant cela, un référendum constitutionnel devait se tenir le 4 octobre.

 

« Glissement du calendrier électoral »

 

 Mais force était de constater, à la veille de la date prévue pour le referendum, que le recensement électoral ouvert en juillet n'était toujours pas terminé, notamment dans les zones encore sous la loi de milices. Par ailleurs, le recensement des Centrafricains réfugiés dans les pays voisins était certes achevé pour l'essentiel, mais l'ANE n'avait pas encore publié le fichier électoral complet. Les Centrafricains ayant fui leur pays ont été autorisés à voter, quasi in extremis en août dernier, au terme d'un débat passionné.

Dans ces conditions, le président de l'ANE, Dieudonné Kombo, bien conscient que la communauté internationale qui porte son pays à bout de bras tenait à la tenue des élections avant la fin de l'année, s'était timidement prononcé en faveur d'un « glissement du calendrier électoral ». Il avait respectueusement évité le terme « report » désormais brandi par de grands noms de la classe politique et de la société centrafricaines mais que la France et les Nations unies ne voulaient surtout pas entendre.

Par ailleurs qui dit élections générales dit aussi argent. En dépit de plusieurs efforts financiers, la communauté internationale doit encore mettre la main sur la poche : le budget total revu à la baisse est estimé à environ 10 milliards de francs CFA (environ 15 millions d'euros), qui sont encore loin d'être réunis.

Mais les principaux appuis financiers, dont les Etats-Unis, campent sur leur position. « Les évènements survenus ces derniers jours à Bangui n'ont pas eu un impact important sur les préparatifs. Il est évident qu'ils (ANE) ont déjà dépassé le seuil de 1,4 million de Centrafricains qui se sont enregistrés pour les élections. Ce qui est un engouement réel et fort de la part des Centrafricains d'aller aux urnes. Donc, pour notre part, nous allons continuer à appuyer ce processus pour que ces élections se tiennent à bonne date », a réitéré le  chargé d'affaires des Etats-Unis en Centrafrique, David Brown qui était interrogé par Radio Ndeke Luka.

Pour sa part, la présidente de transition, Catherine Samba-Panza a, dès son retour de New York, annoncé, sans donner de date, la tenue d'une large concertation avec les « Forces vives de la Nation » en vue de trouver des solutions. Elle a en outre souligné la nécessité du désarmement des milices, répondant ainsi aux aspirations de la plupart des Centrafricains qui reprochent aux forces internationales présentes dans le pays de ne pas jouer pleinement leur rôle. « La présidente et son cabinet travaillent à cette concertation, de même que mon cabinet. Nous allons donc faire la synthèse des propositions et arrêter une date ainsi que les modalités de ce dialogue qui s'impose », a expliqué à Radio Ndeke Luka le Premier ministre de transition Mahamat Kamoun.

 

Pour un dialogue inclusif

 

S'achemine-t-on alors vers un nouveau « forum national » après celui qui s'est tenu à Bangui en mai dernier ? En tout cas, au sujet du calendrier électoral, la classe politique exige un dialogue inclusif. « Sur la question du processus électoral, tout le monde doit être mis à contribution. La question de l'inclusivité doit être mise en avant par la chef de l'Etat », insiste Gina Sanzé, porte-parole de la Coordination générale des partis et associations politiques, une plateforme regroupant une trentaine d'entités politiques.

Pour le KNK, le parti de l'ancien président François Bozizé, ce dialogue inclusif doit se tenir à Brazzaville, sous les auspices du médiateur international, le président congolais Denis Sassou Nguesso. Dans un communiqué, le KNK dénonce la « détermination avérée » de la communauté internationale «  ainsi que celle des autorités de transition de mettre à l'écart les principaux acteurs de la crise centrafricaine, à savoir les anciens chefs d'État François Bozizé Yangouvonda et Michel Djotodia » tous deux en exil. Le KNK reste actif à Bangui en dépit de l'éloignement de Bozizé.

Les deux anciens présidents auraient-il, comme cela transparaît dans les déclarations du gouvernement de transition,  orchestré les dernières violences de Bangui pour avoir de nouveau voix au chapitre ?

En proie à une instabilité quasi-permanente depuis son indépendance en 1960, la Centrafrique, ancienne colonie française, traverse depuis plus de deux ans déjà  une crise sans précédent marquée par des exactions d'une gravité et d'une ampleur jamais connues auparavant dans le pays.

François Bozizé a été chassé du pouvoir en mars 2013 par une coalition de rebelles, la Séléka, qui a mis le pays en coupe réglée pendant 10 mois. Ces rebelles, une véritable nébuleuse difficile à contrôler, ont à leur tour été évincés avec le départ du président de transition Michel Djotodia, contraint le 10 janvier 2014 à se retirer sous la pression internationale.
Constitués comme une riposte aux exactions des Séléka, les Antibalaka, au départ des milices d'auto-défense, ont aussi vite commencé à faire régner la terreur dans une grande partie du pays, s'en prenant particulièrement aux musulmans.