05.02.08 - RWANDA/CANADA - UN RWANDAIS TEMOIN DANS UN PROCES AU CANADA DEMANDE L’ASILE POLITIQUE

Montréal, 5 février 2008 (FH)- Un Rwandais a déclaré lundi à la Cour Supérieure du Québec avoir « eu des menaces » lui déconseillant de venir témoigner au procès pour crimes contre l'humanité de Désiré Munyaneza, un Hutu accusé de participation au génocide de 1994. C'est sous le sigle anonyme DDM 12 que ce père de famille de 46 ans a été présenté par la défense.

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Devant le juge André Denis, il a fait part des circonstances qui l'ont amené à quitter précipitamment le Rwanda pour trouver refuge au Québec.

« J'ai eu des menaces », a-t-il déclaré, avant de raconter la discussion qu’il a eue à Kigali le 20 octobre 2007 avec « un Rwandais ». Cet homme, dont l'identité n'a pas été dévoilée, lui aurait dit : « Tu as été contacté pour témoigner au procès de Désiré [Munyaneza, NDLR] ? Si c’est vrai, il y aura des conséquences ».

Prenant visiblement ces menaces au sérieux, DDM 12 a profité d’une réunion au siège des Nations Unies, à New York, pour rejoindre Montréal le 15 novembre. Depuis, il a entamé auprès des autorités canadiennes les démarches d’obtention du statut de demandeur d’asile.

Devant la Cour Supérieure du Québec, il a dit considérer l’accusé « comme un ami » qu’il voyait et croisait régulièrement, depuis leur première rencontre en 1986. Les deux hommes ne s'étaient pas revus depuis leur dernière discussion à Butare (sud du Rwanda), en juillet 1994.

Sous les yeux de M. Munyaneza, les chaînes aux pieds, le témoin n'a pas toujours semblé à l'aise avec les questions pointilleuses posées lors du contre-interrogatoire par Pascale Ledoux, procureur de la Couronne.

Plus tôt dans le procès, des témoins présentés par l'accusation avaient accusé M. Munyaneza d'avoir dirigé une milice qui, armée de machettes et gourdins, surveillait un réseau de barrages routiers érigés à travers la ville de Butare. Des milliers de Tutsis ont ainsi été exécutés.

Ainsi, Me Ledoux a demandé à plusieurs reprises à DDM 12 de préciser son implication dans le conflit et particulièrement le rôle qu'il a joué dans la tenue d'une barrière près du rectorat de l'université de la ville. « J'ai rencontré d'autres étudiants qui m'ont dit que je devais me présenter à cette barrière », a-t-il dit, ajoutant que M. Munyaneza ne faisait pas partie des gens qui la tenaient.

« Trois troncs d'arbres avaient été posés sur le bitume. Les gens devaient faire un petit slalom pour circuler », a-t-il dit, expliquant que sa tâche consistait à vérifier, quatre heures par jour, les identités des passants et, au besoin, à dénoncer les Tutsis à « Shalom », son supérieur.

Arsène Shalom Ntahobali est jugé devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha.

Mais DDM 12 est certain : jamais il n'a vu de cadavres, ni contrôlé de Tutsis, ni même entendu de coup de feu lorsqu'il était de garde.

« On peut me qualifier d'Interahamwe [milicien] si l'on veut, car j'étais sur la barrière », a-t-il lâché, avant de préciser : « C'était une obligation. Si tu refusais, on te passait par les armes tout de suite. On te disait que tu étais de connivence ».

Les comparutions se poursuivent à Montréal pendant six semaines, avant que le tribunal ne se déplace au Rwanda (du 14 avril au 9 mai) puis en Tanzanie (du 19 au 30 mai).

CS/AT/GF