Situation inédite pour une délégation de la Cour Pénale Internationale (CPI) à Conakry. Venue s’enquérir de la préparation du procès sur les événements du 28 septembre 2009, elle a assisté aux manifestations post-électorales qui ont fait au moins 5 morts dans la capitale et en et en régions dans la semaine du 5 février 2018. Face à la violence, la Mission a prévenu les acteurs des possibles poursuites contre les fautifs.
A chaque grande étape dans l’enquête sur événements du 28 septembre 2009, la CPI se manifeste à Conakry. A chaque nouvel élément des experts arrivent de La Haye pour rencontrer les magistrats en charge de l’instruction, puis le ministre de la Justice. Toujours sur la table, le dossier du massacre du 28 septembre 2009, où au moins 150 opposants politiques ont été tués et une centaine de femmes violées. Il en a été ainsi en mars 2017. La Cour Pénale Internationale était venue dresser le bilan de l’extradition puis de l’inculpation du militaire Toumba Diakité, l’un des principaux responsables présumés du massacre du stade.
Cette fois, une délégation est venue faire le point et prendre acte de la clôture de l’instruction relative aux évènements du 28 septembre 2009. La justice guinéenne a annoncé en effet en novembre 2017 la fin de l’instruction du dossier. Elle attend désormais que l’Etat mette les moyens logistiques et financiers pour déclencher la phase de jugement.
Conduite par Emeric Roger, chef de la section de l’analyse des situations, la délégation de la CPI est arrivée à Conakry et a été reçue en audience le 9 Février par le Ministre de la justice, Garde des Sceaux à Conakry.
Quatorzième visite de la CPI dans la capitale guinéenne.
Lors de cette audience, l’équipe de la CPI s’est réjoui des avancées significatives du dossier. Pour Emeric Rogier qui a conduit l’équipe, « les efforts consentis par les autorités judiciaires guinéennes sont significatifs car un certain nombre de protagonistes vont être prochainement renvoyés devant le tribunal criminel » Il s’est félicité du « travail remarquable » du pool de juges d’instruction, ajoutant que la CPI fait entièrement confiance aux autorités judiciaires guinéennes pour gérer ce dossier et tenir le procès dans un bref délai avec la clôture des instructions relative aux évènements du 28 septembre 2009. L’équipe de la CPI a également discuté avec les autorités judiciaires des préparations nécessaires pour l’organisation d’un procès équitable dans de bonne conditions et dans un délai aussi raisonnable que possible pour toutes les parties impliquées dans le processus.
Face à la délégation, et du côté du ministre de la Justice, vraiment rien de nouveau. Du déjà vu et entendu. Me Cheik Sako, n’a en effet que réaffirmé à la délégation de la CPI « la volonté du Gouvernement guinéen de lutter contre l’impunité sous toutes ces formes, même au-delà des évènements du 28 septembre 2009 ».
Mais, le séjour de cette délégation a coïncidé avec les violences électorales survenues après le scrutin du 4 février 2018 en Guinée. Au lendemain des élections locales, ces violences ont fait 7 morts à Conakry et en régions, en plus des nombreux dégâts matériels. Emeric Roger a regretté ces morts avant d’avertir que « ces violences électorales peuvent aboutir à des crimes de masses ou à d’autres situations devant amener des gens à rendre des comptes devant les juridictions nationales ou internationales ». Il a déclaré haut et fort que le bureau de la procureure Fatou Bensouda garde un œil sur tout ce qui se passe en Guinée, demandant aux leaders politiques de régler tous les différents par les voies pacifiques et légales.
Un message qui sonne comme un avertissement à l’endroit des acteurs politiques guinéens, alors que les résultats des élections communales du 4 février tombent encore au compte-goutte.