26.05.08 - TPIR/MILITAIRES II - LA DEFENSE DEMANDE UNE ENQUÊTE INDEPENDANTE SUR LA DISPARITION D'UN

Arusha, 26 mai 2008 (FH) - Des avocats dans le procès de quatre officiers ont demandé lundi une enquête indépendante au sujet du témoin disparu au début du mois alors qu’il était sous la garde du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). « Il est essentiel que toute la lumière soit faite sur la disparition mystérieuse de GFA et, à cette fin, il est nécessaire qu’une Commission d’enquête indépendante soit instituée dans les plus brefs délais.

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», a déclaré l’avocat canadien Me Gilles Saint-Laurent, qui représente le chef d’état major des ex-Forces armées rwandaises, le général Augustin Bizimungu.
Témoin protégé, GFA a disparu le 6 mai dernier alors qu’il s’apprêtait à revenir ses déclarations au sujet de Bizimungu. Auparavant, il avait témoigné contre lui.
«Une Commission véritablement indépendante, exempte de toute participation ou ingérence, directe ou indirecte, d’acteurs qui auraient pu participer à la fabrication de faux témoignages devant ce Tribunal. C’est la conclusion à laquelle je demande à cette Chambre de faire droit », a souligné Me Saint-Laurent.
Me Saint-Laurent a affirmé que « la mystérieuse disparition de GFA fait étrangement penser aux circonstances de l’assassinat de Juvénal Uwilingiyimana à Bruxelles en 2005. Les circonstances sont quasi-identiques sauf que GFA, lui, se trouvait dans une maison sécurisée sous responsabilité du Tribunal. ».
L’ex-ministre Juvénal Uwiligiyimana a été trouvé sans vie dans un canal alors qu’il venait d’interrompre sa coopération avec le procureur.
Me Saint-Laurent a ajouté que la disparition de GFA « s’inscrit dans la même foulée que celle qui a présidé à l’arrestation, l’emprisonnement et la condamnation du témoin GAA dans l’affaire Kamuhanda et l’arrestation de Me Léonidas Nshogoza, un enquêteur dans l’affaire Kamuhanda et dans l’affaire Rukundo ».
D’abord témoin du procureur puis de la défense dans le procès de l’ex-ministre Jean de Dieu Kamuhanda, le témoin GAA a été inculpé par le procureur pour faux témoignage et ultérieurement condamné à dix mois de prison.
L’enquêteur de la défense dans Kamuhanda, Me Nshogoza, a été également inculpé pour outrage au tribunal. Il attend encore son procès. Nshogoza enquêtait également pour la défense de l’abbé Emmanuel Rukundo, poursuivi par le TPIR.
Me Saint-Laurent a laissé entendre que dans tous ces cas, le crime profite au procureur.
Le général Bizimungu est jugé avec l’ancien chef d’état-major de la gendarmerie, le général Augustin Ndindiliyimana, l’ancien commandant du bataillon de reconnaissance, le major François-Xavier Nzuwonemeye, et son adjoint le capitaine Innocent Sagahutu.
L’avocat de Nzuwonemeye, Me CharlesTaku(Cameroun) et celui de Sagahutu, Me Fabien Segatwa (Burundi) se sont demandés si les maisons « sécurisées » dans lesquelles les témoins protégés sont gardés méritent encore ce nom.
Me Segatwa a ironisé en déclarant qu’il laissera ses témoins dans les mains de Dieu plutôt que dans des maisons « sécurisées ». Il a notamment évoqué l'enlèvement en Zambie de l'ancienne ministre Agnès Ntamabyariro, les assassinats à Nairobi de Seth Sendashonga, ancien ministre de l'intérieur la veille du jour où il aurait dû venir témoigner devant le TPIR et de Theoneste Lizinde, responsable des services de renseignements. Il a également évoqué Callixte Gakwaya, avocat rwandais, qui avait failli être enlevé à Arusha.
Le représentant du procureur, Alphonse Van (Côte d’ivoire), a pour sa part estimé que la requête des avocats était prématurée, étant donné que les enquêtes au sujet de la disparition du témoin se poursuivent.
Le 15 mai dernier, plusieurs accusés devant le TPIR avaient également demandé au président de cette juridiction une enquête indépendante sur la disparition de ce témoin et sur « la fabrication de faux témoignages». « Le Tribunal a manqué lamentablement à ses devoirs, ce qui met fortement en cause sa crédibilité et celle de l’Organisation des Nations Unies dont il relève juridiquement », écrivent 48 sur les 55 personnes détenues actuellement à Arusha.
La police tanzanienne et le TPIR indiquent qu’ils fournissent tous les efforts pour retrouver GFA. Jusqu'à présent le greffe fait valoir que ce témoin était "libre" et qu'aucun délit ne peut lui être reproché après son départ de l'endroit où il était "hebergé".
AT/PB/GF