29.05.08 - TPIR/TRANSFERTS - LE TPIR REFUSE DE RENVOYER UN ACCUSE VERS LA JUSTICE RWANDAISE

Arusha, 29 mai 2008(FH) - Une chambre du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a rejeté une requête du procureur visant à transférer un accusé, l’ex-commerçant moyen Yussuf Munyakazi, vers la justice rwandaise, a-t-on appris de source judiciaire jeudi. Cette décision judiciaire rendue mercredi est la première du TPIR au sujet d’une demande de renvoi d’un accusé vers les tribunaux rwandais.

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Poursuivi pour génocide et crimes contre l’humanité, Munyakazi est détenu par le TPIR depuis mai 2004.

«La chambre n’est pas convaincue que l’accusé, s’il était transféré au Rwanda, en ce moment, bénéficierait d’un procès équitable », indique cette décision judiciaire dont une copie a été remise à l’agence Hirondelle. Les trois juges notent également que « la peine applicable dans le cas de l’accusé, en cas de verdict de culpabilité, serait l’emprisonnement à vie assorti de l’isolement ».

Le Rwanda a aboli la peine de mort l’année dernière mais a introduit, en même temps, dans son code pénal, « la réclusion criminelle à perpétuité », une peine à purger dans l’isolement.

Par ailleurs, « la chambre n’est pas convaincue que le Rwanda respecte l’indépendance du système judiciaire ».

Les juges fondent leurs inquiétudes sur les critiques formulées par le gouvernement rwandais contre des jugements du TPIR lui-même, ainsi que par les réactions aux mandats d’arrêts émis par les juges français Jean-Louis Bruguière et espagnol Fernando Andreu Merelles contre des officiers de l’actuelle armée rwandaise.

La chambre craint « une pression directe ou indirecte sur les juges pour qu’ils rendent des jugements dans la ligne des souhaits du gouvernement rwandais », poursuit le texte en anglais.

La décision relève également le fait que, selon la loi rwandaise, l’accusé, en cas de transfert, serait jugé au premier degré par un juge unique.

Elle dénonce « l’intimidation et les menaces contre des témoins résidant au Rwanda », une situation qui, selon elle, n’encouragerait pas les témoins éventuels vivant à l’étranger à comparaître devant les tribunaux rwandais.

« Toutefois, la chambre voudrait souligner qu’elle a noté les développements positifs réalisés par le Rwanda pour permettre les transferts », ajoute la décision, espérant que si Kigali « poursuit sur cette voie, le tribunal pourrait, dans l’avenir, être en mesure de transférer des affaires vers les tribunaux rwandais ».

Interrogé par l’agence Hirondelle, le procureur en chef du TPIR, Hassan Bubacar Jallow, a déclaré qu’il était en train d’étudier cette décision pour enfin décider de faire appel ou non.

De son côté, le procureur général du Rwanda, Martin Ngoga, a exprimé « une profonde déception » alors que le conseil de Munyakazi, Jwani Mwaikusa, s’est dit satisfait.

Le juriste tanzanien a réitéré que ce projet de renvoi retardait le démarrage du procès de son client. La requête visant à renvoyer Munyakazi vers la justice rwandaise avait été déposée le 7 septembre 2007.

La chambre qui vient de rejeter la demande était présidée par la juge argentine Inès Weinberg de Roca et comprenait également le Kényan Lee Gacuiga Muthoga et le Tchèque Robert Fremr.

Un débat public pour l’audition des arguments des parties avait eu lieu le 24 avril.

Le TPIR est saisi de quatre autres demandes de dessaisissement au profit des juridictions rwandaises.

Ce tribunal auquel le Conseil de sécurité a donné jusqu’à la fin de cette année pour terminer les procès en première est obligé de renvoyer certaines affaires vers des juridictions nationales.

Basé à Arusha, dans le nord de la Tanzanie, le TPIR a prononcé à ce jour 30 condamnations et 5 acquittements. Treize accusés sont en fuite, sept, déjà entre les mains du tribunal, attendent de comparaître tandis que deux autres sont encore détenus en Europe.

ER/AT/GF