18.06.2003 - TPIR/MILITAIRES I - NSENGIYUMVA AURAIT ORDONNE DES MASSACRES DE TUTSIS LE 6 AVRIL 1994

Arusha, le 18 juin 2003 (FH) - Un témoin du parquet entendu mercredi par le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a affirmé que le colonel Anatole Nsengiyumva, un des accusés dans le procès de quatre hauts gradés des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR), aurait ordonné le massacre de Tutsis dans la nuit du 6 au 7 avril 1994. Quatrième témoin cité par l'accusation, Omar Serushago a été lui même condamné par le TPIR à 15 de prison, après avoir plaidé coupable de génocide en 1999.

2 min 40Temps de lecture approximatif

Il répondait mercredi dans la matinée aux questions du représentant nigérian du parquet, Segun Jegede.

Le témoin a rapporté qu'après l'attentat contre le président Juvénal Habyarimana dans la nuit du 6 avril 1994, le lieutenant-colonel Nsegiyumva, alors commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), a donné ordre aux militaires de son camp D'opérer des massacres dans cette région.

"Un militaire du camp m'a informé qu'ils avaient déjà commencé à opérer des massacres depuis la nuit (du 6 avril) et qu'ils avaient reçu les instructions de Nsengiyumva", a indiqué Serushago, lui-même originaire de Gisenyi et membre des milices Interahamwe, considérés comme le fer de lance du génocide de 1994.

Le témoin a indiqué que dans les heures qui ont suivi l'ordre du commandant, la ville de Gisenyi était jonchée de cadavres "criblés de balles ou coupés à la machette". Le 7 avril dans l'après-midi, Nsengiyumva serait passé à la résidence de Serushago, à bord D'une jeep militaire et D'une escorte, l'enjoignant de se joindre aux autres Interahamwe pour exécuter les massacres.

Nsengiyumva est co-accusé avec l'ancien directeur de cabinet au ministère rwandais de la défense, le colonel Théoneste Bagosora, considéré comme le "cerveau" du génocide, l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, ainsi que l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kanombe (Kigali), le major Aloys Ntabakuze.

Ils sont notamment accusés D'entente en vue de commettre le génocide et de crimes de guerre. Ils plaident non coupables.

Le parquet allègue qu'entre avril et juin 1994, Nsengiyumva a présidé des réunions à Gisenyi, auxquelles ont assisté plusieurs centaines de miliciens. "Il a, à ces occasions, incité et encouragé les participants à continuer les massacres de la population civile Tutsi."

La 'commune rouge'
Serushago a indiqué que du 7 au 13 avril 1994, il était chargé D'un 'barrage de la corniche' au bord du lac Kivu à Gisenyi. Selon lui, le but de cette barrière était de sélectionner les Tutsis et opposants Hutus. Parmi les Interahamwe présents à ce barrage, le témoin a cité le fils de Bagosora, Vicky, ainsi que des membres de la famille du président Habyarimana.

Le témoin a expliqué que les personnes arrêtées à ce barrage étaient conduites à la 'commune rouge', nom de code inventé par Nsengiyumva pour signifier que les concernés devaient être mis à mort à cet endroit.

Serushago a notamment relaté une mission que lui aurait confiée Nsengiyumva le 20 avril 1994. l'opération consistait à arrêter 20 personnes réfugiées chez un évêque et à les tuer. Les réfugiés, 19 Tutsis et une femme hutue, ont été par la suite conduits et fusillés à la commune rouge.

"J'ai [moi même] tué quatre de ces personnes et c'est pour cela que je suis en prison actuellement", a confessé le témoin, ajoutant que des actes de viol ont également été commis à la commune rouge.

Mercredi dans l'après-midi, la défense de Nsengiyumva a entamé le contre-interrogatoire de Serushago. Un des avocats kenyans de l'accusé, Me Otachi Bw'Omanwa a essentiellement analysé avec le témoin les activités des Interahamwe, ainsi que les personnalités politiques et militaires impliquées dans leurs agissements, avant et pendant le génocide de 1994.

Le procès des "Militaires I" se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par le juge norvégien Erik Mose, assisté par les juges russe Serguei Aleckseievich Egorov et fidjien Jai Ram Reddy.

Le contre-interrogatoire de Serushago se poursuit jeudi.

GA/CE/GF/FH (Ml'0618A)