08.04.2003 - TPIR/MEDIAS - NGEZE A TERMINE SA DEPOSITION EN REAFFIRMANT EN SON INNOCENCE

Arusha, le 8 avril 2003 (FH) - Hassan Ngeze, un des trois Rwandais poursuivis pour utilisation des médias à des fins de génociode a terminé sa déposition mardi devant le Tribunal Pénal international pour le Rwanda (TPIR) en réaffirmant qu'il serait accusé injustement. "Je voudrais vous dire que la personne qui se trouve en face de vous n'est pas un criminel", a déclaré Hassan Ngeze, en clôturant son témoignage.

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"Vous aurez beaucoup de gens à juger.Parmi eux des militaires de haut rang ou des membres du gouvernement. Posez-leur la question de savoir combien de gens ils ont sauvé pendant le génocide", a-t-il indiqué.

Tout au long de sa déposition pour sa propre cause entamée le 24 mars dernier, Hassan Ngeze a répété qu'il avait sauvé un millier de Tutsis menacés, entre avril et juillet 1994.

Le procureur allègue que Hassan Ngeze a incité au génocide anti-tutsi et aux massacres D'opposants qui ont fait un million de morts au Rwanda en 1994 et commis des assassinats.

Hassan Ngeze a indiqué qu'il devrait plutôt être remercié pour des gens qu'il a sauvés. l'accusé a ajouté qu'il n'avait pas publié Kangura durant le génocide.

l'ancien journaliste a en outre relativisé l'impact de sa publication, indiquant qu'elle n'avait jamais dépassé 2000 exemplaires. La revue Kangura a été créée en mai 1990.

"Les gens ne s'intéressaient pas à la lecture. C'est la raison pour laquelle nous ne publiions qu'entre 1500 et 2000 exemplaires alors que le journal était vendu au Rwanda, au Burundi et au Congo", a-t-il dit.

Hassan Ngeze a ajouté que malgré son faible tirage, Kangura avait beaucoup D'invendus. "Je vendais 70% et les 30% invendus nous étaient retournés", a-t il expliqué.

Interrogé sur la provenance D'une somme importante D'argent trouvée sur son compte bancaire après son arrestation en juillet 1997, Hassan Ngeze a répondu qu'en quittant le Rwanda trois ans plus tôt, il disposait de 250.000 dollars américains. l'accusé a affirmé que pendant son exil, il avait reçu des aides de plusieurs digniataires du monde, dont des chefs D'Etat africains.

"Seul le pape n'a pas donné de l'argent. Je l'ai rencontré mais il n'a pas donné de l'argent", a-t il déclaré.

Hassan Ngeze allègue que lors de son arrestation, les agents du procureur ont saisi à son domicile de Kawangware, dans la banlieue de la capitale kenyane Naïrobi, 10.000 dollars américains, cinq mille francs français et cinq mille francs belges. "Je ne sais pas quand ils vont me rendre cet argent", a-t-il demandé.

"Déjà en mars 94, l'ambassade des Etats Unis à Kigali m'avait donné plus de 50.000 que J'ai utilisé pour sauver des Tutsis", a-t-il dit. Ces fonds lui auraient été remis pour l'aider à créer une radio et une télévision, selon lui.

Une ancienne présentatrice de la RTLM à la barre
Hassan Ngeze est coaccusé avec deux responsables présumés de la Radio-télévision libre des Mille collines (RTLM), Ferdinand Nahimana et Jean-Bosco Barayagwiza.

Après la déposition de Ngeze, la chambre a entamé l'audition D'une ancienne présentatrice à la RTLM, Valérie Bemeriki, qui témoigne en faveur de Ferdinand Nahimana.

Valérie Bemeriki est détenue au Rwanda depuis juin 1999 accusée "D'incitation aux tueries par les émissions de la RTLM",
a-t-elle dit.

Le témoin a D'emblée déclaré que Ferdinand Nahimana n'était pas directeur de la RTLM comme l'allègue le procureur. Selon lui, la RTLM était dirigée au quotidien par le nommé Phocas Habimana. Nahimana était un des membres du comité D'initiative de la radio, a dit le témoin.

Valérie Bemeriki a ajouté que pendant le génocide, la RTLM et son personnel étaient pris en charge par l'Etat major de l'armée. C'est l'armée qui payait notamment les salaires, le logement ainsi que le carburant pour les journalistes, a dit Bemeriki. De plus, c'est elle qui était la première source D'information de la radio, a-t-elle ajouté.

D'après elle, Ferdinand Nahimana n'a jamais été en contact avec la RTLM et son personnel durant le génocide.

La déposition de Valérie Bemeriki se poursuit mercredi devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par la juge sud-africaine Navanethem Pillay et comprenant en outre les juges norvégien Erik Mose et sri-lankais Asoka de Zoysa Gunawardana.

Valérie Bemeriki est le second présentateur à la RTLM qui témoigne dans ce procès après l'Italo-belge Georges Ruggiu. Ce dernier a été condamné à douze ans D'emprisonnement par le TPIR après avoir plaidé coupable D'incitation directe et publique à commettre le génocide et de persécution entendue comme crime contre l'humanité. Bemeriki est le douzième témoin de la défense de Nahimana.

AT/GF/FH (ME'0408A)