04.04.2003 - TPIR/BUTARE - SYNTHESE: CINQ FEMMES TEMOIGNENT EN UNE SESSION

Arusha, le 4 avril 2003 (FH) - Le procès de six personnes poursuivies pour génocide à Butare (sud du Rwanda) a été suspendu la semaine dernière après la déposition de cinq femmes citées par le parquet. Ouverte le 24 février, la session a été fermée le 26 mars.

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Les débats reprendront le 9 juin.

Le procès concerne l’ancienne ministre de la famille et de la promotion féminine, Pauline Nyiramasuhuko , son fils Arsène Shalom Ntahobali, les anciens préfets de Butare, Alphonse Nteziryayo et Sylvain Nsabimana ainsi que les anciens maires Joseph Kanyabashi et Elie Ndayambaje, respectivement de Ngoma et de Muganza.

Le parquet allègue que les coaccusés ont organisé des massacres de Tutsis dans la province de Butare entre avril et juillet 1994. Ils plaident nin coupables.

Les cinq femmes, toutes tutsies et rescapées du génocide, ont particulièrement mis en cause Pauline Nyiramasuhuko et Arsène Shalom Ntahobali.

Le témoin QY, mineure à l’époque des faits allégués, a affirmé avoir été violée par un militaire en présence de Ntahobali. "Shalom (Ntahobali) était là, n'a rien dit, n'a rien fait", a rapporté le témoin. Selon QY, Nyiramasuhuko aurait, quant à elle, dit à des miliciens au bureau préfectoral de Butare "que celui qui désire un fille tutsie la viole".
Mme QY est le deuxième témoin à affirmer avoir été victime de viol depuis le début du procès en juin 2001.

Des Tutsis mis dans des sacs
Les quatre autres témoins ont soutenu, elles aussi, que de nombreuses Tutsies ont été violées en 1994 dans la ville de Butare et dans ses environs, sur ordre de Nyiramasuhuko et de Ntahobali. Mais à la différence de QY, elles n’ont pas indiqué avoir été violées elles-mêmes.

Les témoins ont en revanche décrit d’autres formes de mauvais traitements qu'auraient subi des Tutsis à Butare.
Selon SD, des miliciens Interahamwe auraient délibérément affamé des Tutsis qui se trouvaient à Rango, (près de la ville de Butare) en juin 1994.

Ces miliciens auraient interdit à un prêtre de race blanche de leur distribuer des vivres.

"Ils lui ont donné quelques heures pour quitter les lieux, parce qu'il voulait nous distribuer des vivres qu'il avait lui-même apportés" a déclaré SD. "Qui t'a dit que les Tutsis mangent?" auraient-ils demandé à ce prêtre.

Le témoin FAP, quant à elle, a déclaré que des Tutsis ont été mis dans des sacs, puis battus par des miliciens. Des Tutsis qui s'étaient réfugiés dans la forêt de Rango étaient "soulevés de terre, introduits de force dans des sacs et battus par des Interahamwe", a-t-elle dit.

Selon FAP, une femme enceinte a fait une fausse couche à la suite d’un tel traitement.

La défense s’est pour sa part employée, dans ses contre-interrogatoires, à relever systématiquement les contradictions entre les déclarations écrites des témoins aux enquêteurs du bureau du procureur et leurs témoignages devant le Tribunal.

Les témoins ont chaque fois attribué ces contradictions à des erreurs de transcription ou de traduction.

Deux jours après l’ouverture de la session, le témoin RE a ainsi affirmé que les enquêteurs du parquet avaient déformé ses propos.

"Ce ne sont pas là mes paroles. Je crois que ma déclaration n'a pas été correctement enregistrée", a indiqué le témoin.
Le témoin QY est allée plus loin en priant les juges de "mettre de côté" ses déclarations écrites recueillies par les enquêteurs du parquet en 1997, 1998 et 2000.

"Ces déclarations ont été reproduites par des êtres humains", a-t-elle indiqué, demandant à être interrogée sur la seule base de sa déposition devant les juges.

Maladie et malaises
Pour chacune des cinq dépositions, le contre-interrogatoire s’est révélé souvent tendu, obligeant parfois le juge-président, le Tanzanien William Hussein Sekule à intervenir pour que les témoins répondent aux questions des avocats de la défense.

Les témoins se sont indignés à plusieurs reprises de devoir se remémorer ce qu’elles ont vécu durant le génocide.
"Je me rends compte que vous me faites revenir en arrière et me souvenir de ce qui s'est passé," s’est plaint Mme SS en guise de réponse à Me Nicole Bergevin, avocat principal de Pauline Nyiramasuhuko.

Durant cette session, les audiences ont été ajournées plus d’une fois, pour cause de maladie ou de malaise de témoins.
Vingt-six témoins à charge ont déjà été entendus en plusieurs sessions depuis l'ouverture du procès en juin 2001.

Les débats se déroulent devant la deuxième chambre de première instance du TPIR comprenant, outre le juge Sekule, les juges malgache Arlette Ramaroson et Winston Churchill Matanzima Maqutu du Lesotho. La chambre l'alterne avec deux autres affaires.

ER/AT/GF/FH (BT'0405A)