26.03.2003 - TPIR/MEDIAS - BIOGRAPHIE DE HASSAN NGEZE

Arusha, le 26 mars 2003 (FH) - Hassan Ngeze, un des trois accusés dans le procès des "médias de la haine" en cours devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est originaire de Rubavu (province Gisenyi, ouest du Rwanda). Les documents officiels du Tribunal indiquent qu'il est né en 1961.

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l'intéressé a néanmoins contredit cela au début de sa déposition pour sa propre défense lundi dernier. Selon lui, il est né le 25 décembre 1957. "C'est ce que m'a dit ma mère", a-t-il déclaré.

Le journaliste
Hassan Ngeze, un Hutu, a travaillé comme journaliste de 1978 à 1997, a-t-il dit. Pendant le génocide anti-tutsi et les massacres D'opposants survenus au Rwanda en 1994, il était directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura créée quatre ans auparavant.

Avant de diriger Kangura, Hassan Ngeze a D'abord été distributeur et correspondant du périodique Kanguka à Gisenyi.

Le procureur allègue que la revue Kangura a été créée dans le but de promouvoir l'idéologie extrémiste hutue au détriment de la minorité tutsie. Hassan Ngeze conteste vigoureusement cette thèse.

En décembre 1990, un mois après avoir publié "les dix commandemants des Batutsis", le journal Kangura publie "les dix commandements des Bahutus" considérés comme une incitation directe à la haine ethnique. Selon un de ces commandements, les Hutus devraient cesser D'avoir pitié des Tutsis.

Ngeze s'en défend en disant que ces commandements avaient été publiés bien avant lui par D'autres journaux et qu'il n'en est donc pas l'auteur.

A plusieurs occasions entre mai 1990 et mars 1994, Kangura a décrit les Tutsis comme des ennemis, et les Hutus membres de l'opposition comme des complices de l'ennemi, indique le procureur.

Hassan Ngeze, pour sa part, a déclaré que la revue Kangura était une reproduction de l'histoire du Rwanda, caractérisée, selon lui, par l'antagonisme entre les Hutus et les Tutsis.

Hormis ses activités de journaliste, Hassan Ngeze était également impliqué dans des activités politiques. Il était membre fondateur du parti Coalition pour la défense de la République (CDR) et a exercé la fonction de "conseiller" auprès de son comité directeur. Fondée en 1992, le parti CDR était un des principaux partis politiques au Rwanda et avait une jeunesse appelée "Impuzamugambi".

Le parquet allègue que l'accusé était également un des leaders de la milice Interahamwe, affiliée à l'ex-parti présidentiel, le MRND, en province de Gisenyi.

En 1993, Hassan Ngeze et sa publication ont acheté des parts dans la société de radiodiffusion privée en création, la Radio-télévision libre des Mille collines (RTLM). Il est aujourD'hui accusé conjointement avec deux responsables présumés de cette radio, Ferdinand Nahimana et Jean-Bosco Barayagwiza. Hassan Ngeze nie s'être entendu avec l'un ou l'autre de ses coaccusés.

A l'opposé de ses coaccusés qui ont fait des études universitaires poussées et exercé D'importantes fonctions au sein de l'administration rwandaise, le parcours de Hassan Ngeze est modeste.

Un témoin de l'accusation, qui a affirmé bien le connaître, a indiqué qu'il aurait D'abord été cordonnier à Gisenyi, puis chauffeur D'autobus avant de se lancer, sans formation préalable, dans la presse. Selon le témoin, son niveau D'instruction ne dépasserait pas l'école primaire. Les observateurs ont néanmoins constaté que lors de sa déposition, l'accusé alterne le français et l'anglais. Il est vrai que les informations biographiques concernant Hassan Ngeze sont peu abondantes.

l'accusé
Ngeze est en conflit permanent avec ses avocats, l'Américain Me John Floyd et le Canadien Me René Martel. A plusieurs reprises, il a demandé leur remplacement par des avocats qu'il payerait lui-même, mais l'accusé n'est finalement pas parvenu à les faire venir à Arusha.

Au cours de sa déposition, il a refusé l'assistance de ses deux avocats. Ngeze est donc le seul accusé, présent ou passé, du TPIR à s'adresser et à répondre directement aux juges lors de sa déposition. l'accusé a par ailleurs demandé que Me Floyd et Me Martel ne le représentent pas, en cas D'appel du jugement en première instance.

Ngeze allègue que ses conseils sont incompétents et qu'ils ne l'auraient pas aidé à préparer sa défense.

Les avocats affirment de leur côté que c'est leur client qui refuse de les rencontrer. Confronté à ses fréquentes sautes D'humeur, les avocats ont, à un moment donné, demandé et obtenu un examen psychiatrique de l'accusé. Les résultats de cet examen sont restés confidentiels.

La chambre une du TPIR, qui entend le procès des médias, a elle aussi souvent éprouvé des difficultés à contrôler l'accusé. La présidente de la chambre, la juge sud-africaine Navanethem Pillay, s'est vue dans l'obligation de lui donner à plusieurs reprises un avertissement suite à ses interventions non autorisées, menaçant même par moments de l'expulser de la salle D'audience. Le règlement permet à la chambre "D'ordonner l'expulsion de l'accusé et de poursuivre les débats en son absence si l'accusé, après avoir été averti que son comportement risque de justifier son expulsion de la salle D'audience, persiste dans ce comportement".

Le détenu
l'accusé a également donné du fil à retordre au greffe par "une tentative de suicide". En janvier 1998, il aurait absorbé un mélange de produits chimiques, dans le but, semble-t-il, de se donner la mort. Cependant il n'a jamais été clairement établi s'il voulait réellement mettre fin à ses jours.

Selon certaines sources, Ngeze s'était D'abord renseigné auprès de ses co-détenus sur l'existence D'un antidote, le lait de vache, qu'il s'est empressé de boire lorsqu'il a repris conscience. Selon des sources contactées à l'époque, "M.Ngeze est enclin à adopter des comportements extrêmes pour se mettre en relief".

Un jour après le début de sa déposition pour sa propre cause, Ngeze a envoyé un message électronique à une cinquantaine de personnes, dont des journalistes, indiquant le plan de sa déposition, un document D'une vingtaine de pages. Ngeze entend évoquer notamment les causes du conflit ethnique hutu-tutsi ainsi que son rôle en tant que journaliste. Ngeze y affirme par ailleurs qu'il a sauvé des Tutsis pendant le génocide, corroborant ainsi des déclarations de plusieurs des témoins qu'il a cités pour sa défense.

Par ailleurs, Ngeze dispose D'un site internet à son nom, une exception au sein de la population carcérale du Centre de Détention des Nations-Unies, puisque, après Ngeze, seul Jean-Bosco Barayagwiza possède son site. Sur www.hassanngeze.s5.com , Ngeze parle généralement de son procès et de la vie au quartier pénitenciaire du TPIR à Arusha. Selon ses propres termes, ce site est dédié à un "journaliste africain originaire D'un pays déchiré par la guerre, accusé D'avoir exercé la liberté D'expression".

Ngeze a été arrêté au Kenya le 18 juillet 1997 et transféré à Arusha le même jour. Il a fait sa comparution initiale le 19 novembre 1997. l'accusé a affirmé que, lors de son arrestation, les agents du TPIR auraient saisi chez lui 10.000 dollars américains, 5.000 francs belges et 5.000 francs français.

Le procès des médias se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR comprrenant outre la juge Pillay, les juges norvégien Erik Mose et sri-lankais Asoka de Zoysa Gunawardana.

AT/PJ/CE/GF/FH (ME'0326A)