15.03.2003 - TPIR/MEDIAS - LE TRIBUNAL ORDONNE UNE ENQUETE SUR LA SECURITE DES TEMOINS

Arusha, le 15 mars 2003 (FH) - Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a ordonné samedi une enquête au sujet de la sécurité des témoins de la défense de Hassan Ngeze, un des trois Rwandais poursuivis pour utilisation des médias à des fins de génocide. l'avocat canadien Me René Martel, un des défenseurs de Hassan Ngeze, a déclaré qu'un témoin de la défense, une femme désignée par le pseudonyme "RM 117" pour des raisons de sécurité, avait été "séquestrée", par des gens qui voulaient l'empêcher de venir déposer en faveur de son client.

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Me Martel a indiqué que RM 117, alors qu'elle était partie chercher des documents, "a été empêchée de le faire par un groupe de Tutsis qui l'ont enlevée et séquestrée pendant plus de vingt-quatre heures".

Me Martel n'a pas révélé le pays de résidence du témoin, craignant qu'il ne soit identifié. l'avocat canadien a ajouté que RM 117 "avait sur elle un papier de la [section du TPIR en charge de la] protection des témoins sur lequel figuraient les adresses de trois autres témoins de la défense".

Selon Me Martel, RM 117 a finalement réussi à s'enfuir "à la faveur de la distraction du groupe", laissant cependant ce document sur place. "Voilà ce qui est arrivé à ce témoin et nous craignons pour la sécurité des trois autres dont les noms figurent sur ce document", a conclu Me Martel.

Le juge président, la Sud-africaine Navanethem Pillay, a indiqué que "la chambre fera ce qu'elle pourra au regard de cette situation". La juge a ordonné au greffe, et particulièrement à sa section chargée de la protection des témoins, D'enquêter sur cet incident et de lui en faire rapport.

l'avocat principal de Ngeze, l'Américain Me John Floyd a implicitement rendu le TPIR responsable de cette situation en déclarant que "personne n'est allé chercher ce témoin à cet endroit et le témoin a dû présenter le papier de protection pour obtenir des documents."

Ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze est coaccusé avec deux responsables présumés de la Radio-télévision libre des Mille collines (RTLM), Ferdinand Nahimana et Jean-Bosco Barayagwiza. Ils
plaident non coupables.

Le procès s'est poursuivi exceptionnellement samedi en vue D'accélérer les débats.

Le Tribunal a entendu en un seul jour cinq témoins protégés de la défense de Ngeze à savoir BAZ 3, BAZ 5, BAZ 6, BAZ 8 et BAZ 11. Cela porte à porte à vingt-sept le nombre de témoins déjà cités par la défense de l'ancien
journaliste.

La défense demande du temps pour se préparer
La défense de Ngeze a néanmoins déclaré être confrontée à certaines difficultés et a demandé un délai supplémentaire pour pouvoir présenter adéquatement ses moyens de défense. La chambre souhaiterait que les débats se poursuivent sans discontinuer jusqu'à la fin mars et, en cas de besoin, siéger pendant quelques jours en avril.

Me Floyd a expliqué que certains témoins ne seront disponibles qu'aux mois de mai, juin ou juillet. La présidente de la chambre a indiqué qu'il "serait déraisonnable de penser à juin ou juillet".

Me Floyd a par ailleurs déclaré que son co-conseil devait se rendre en Europe pour rencontrer des témoins "importants" mais qu'il n'avait pas pu le faire parce qu'il "n'a pas perçu ses honoraires depuis longtemps". "Nous avons des témoins qui veulent faire triompher la vérité mais l'administration des Nations Unies nous empêche de faire notre travail", s'est plaint Me Floyd, plaidant le droit de son client à un procès équitable.

Me Floyd, à un moment donné, s'est laissé emporter, amenant le président de la chambre à lui faire remarquer : "Vous êtes comme un cheval fou, pire que votre client. Si vous aviez écouté ce que je vous dis, vous nous auriez épargné de ce torrent de paroles."

Hassan Ngeze s'accorde souvent la parole au cours du procès, malgré de fréquentes mises en garde de la chambre.

Me Martel a été également été réprimandé par la chambre quand il a été surpris en train de rire. "On ne rit pas au prétoire. En tout cas pas dans celui-ci ", lui a dit la juge Pillay. Ce a quoi Me Martel a répondu : "les avocats de la défense ne sont pas des robots".

Hassan Ngeze a de son côté demandé à la chambre de lui accorder au moins quinze jours pour préparer sa déposition. l'accusé a expliqué qu'il avait notamment besoin de relire l'ensemble des témoignages à charge et de retrouver les originaux de la revue Kangura et D'autres documents.

"Je veux dire au monde entier ce qui s'est passé dans ce pays. Nous voulons parler de l'histoire. Pour que les écrits de Kangura soient compréhensibles, nous devons retrouver les livres D'histoire qui ont été utilisés," a déclaré Hassan Ngeze.

l'accusé, en conflit quasi permanent avec ses avocats, a répété que, lors de sa déposition, contrairement à la pratique, il ne souhaite pas être interrogé par eux.

Les cinq témoins qui ont déposé samedi ont fait des témoignages presque identiques, notamment à propos du meurtre D'un certain Modeste Tabaro. Le parquet allègue que Ngeze l'a tué. BAZ 3, BAZ 5, BAZ 6, BAZ 8 et BAZ 11, faisant écho aux dépositions antérieures D'autres témoins en faveur de Ngeze, ont indiqué que ce sont au contraire deux individus dénommés Jeff et Regis qui ont perpétré ce meurtre.

Le procès des médias se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR comprenant outre la juge Pillay, le juge norvégien Erik Mose et le juge sri-lankais Asoka de Zoysa Gunawardana. Le juge Gunawardana est absent pour des raisons de santé.

Les débats devaient initialement se poursuivre dimanche mais samedi soir la chambre avait réussi à entendre tous les témoins présents à Arusha. Les parties se retrouveront lundi prochain pour discuter du calendrier.

AT/CE/GF/FH (ME'0315A)